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fort difficiles. Il n’en fut rien cependant, on reporta la ligne de séparation vers le nord, aux dépens de la province de nouvelle formation, et de façon à conserver à la colonie-mère deux comtés du littoral, ceux de Richmond et de Clarence, qui se seraient donnés plus volontiers au gouvernement de Brisbane. Depuis cinq ans que la scission est consommée, les habitans de ces deux comtés n’ont cessé d’adresser des pétitions au gouvernement anglais afin d’être rattachés à la jeune colonie avec laquelle ils ont toutes leurs relations d’affaires. Le parlement de Sydney ne résiste pas avec moins d’énergie à leurs prétentions.

Au fond, quand on examine comment la population se distribue sur les terrains vacans de l’Australie, on reconnaît sans peine que les subdivisions politiques actuelles de ce continent sont un peu factices, et, n’eût-on pas entendu parler des tendances que les colons accusent, on peut aisément prévoir que les provinces constituées aujourd’hui se morcelleront tôt ou tard. Il y a pour ce morcellement une raison générale. Entre les relations assez rares que le citoyen conserve avec l’état duquel il relève et les relations quotidiennes qu’il a nécessairement avec l’agglomération municipale, il se présente un nombre infini d’affaires qui doivent ressortir d’une autorité intermédiaire moins lointaine que le gouvernement de l’état, placée plus haut que la commune. L’état, la province et la commune, tels sont à tous les âges de la vie d’un peuple les trois degrés où réside l’autorité. Répartir équitablement les prérogatives entre ces trois pouvoirs a toujours été l’un des grands problèmes que les constitutions aient à résoudre. Dans les sociétés qui commencent, la commune a en général une action prépondérante; au contraire, chez les nations parvenues à une civilisation très avancée, l’état absorbe à peu près tout. En Australie, si l’on a bien saisi comment le pays se colonise, c’est l’autorité provinciale qui domine. Le gouvernement anglais, à qui appartiennent les prérogatives impériales, se tient à l’écart de toutes les affaires que son éloignement ne lui permettrait pas d’apprécier. La commune est faible, faute d’une agglomération suffisante, dans les districts pastoraux, et n’a pris un peu de force que sur le littoral et dans les districts aurifères. En fait, les colons disséminés dans l’intérieur de la contrée échappent tout à fait au lien municipal et ne sont que citoyens de la province. La question de pondération des pouvoirs a donc été tranchée au profit de celle-ci. Sans affirmer que cette solution soit la meilleure en thèse générale, on peut dire que dans le cas dont il s’agit elle a produit des effets excellens, et qu’elle convenait à merveille au pays.

Or il arrive, comme en tout pays, que la capitale, où siègent le gouvernement et l’administration centrale, prend plus qu’elle ne