Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/998

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des conférences accidentelles, dont les opinions ne sont obligatoires pour personne.

Au fond, la population australienne a plus d’homogénéité qu’on ne serait tenté de le croire au premier abord. L’Angleterre, en peuplant cette contrée, lui a donné son langage, ses mœurs, ses habitudes; l’émigrant qui débarque ne se trouve pas dépaysé. Ceci explique en partie que tant de milliers de familles consentent à s’expatrier sans amertume, sinon sans regret, pour aller habiter à l’autre bout du globe. Il faut dire aussi qu’aux yeux des Anglais l’Australie n’est pas aussi éloignée que nous sommes portés à le croire. Grâce à la vapeur, les communications postales se font en cinquante jours environ entre l’Europe et le continent austral par la voie de Suez et d’Aden. Quant aux émigrans qui ne peuvent profiter de ces transports rapides, la durée de leur voyage a été singulièrement abrégée depuis un demi-siècle. Autrefois un navire à voiles mettait quatre mois au moins pour franchir les 23,000 kilomètres qui séparent les ports de l’Atlantique des côtes de l’Australie. Lorsqu’on eut mieux étudié les routes de la mer, c’est-à-dire les parages où l’on trouve des vents favorables, on reconnut que la traversée au départ d’Europe devait toujours se faire par le cap de Bonne-Espérance, et celle de retour par le Cap-Horn. Dans un seul voyage d’aller et retour, on fait ainsi le tour complet du globe, et un navire bien dirigé, dans de bonnes conditions, pourrait accomplir ce périple en cent trente ou cent trente-cinq jours. D’habitude les bâtimens chargés d’émigrans mettent de soixante-dix à quatre-vingts jours pour la traversée d’Europe en Australie, et en général ils parcourent cette longue route sans voir une seule fois la terre entre le point de départ et celui d’arrivée. On plaindra sans doute les malheureux passagers réunis trois ou quatre cents ensemble pendant un si long espace de temps sans autre exercice que d’arpenter de long en large, comme l’écureuil dans sa cage, le pont du navire. Cependant les journées du voyage ne sont pas toutes sans charme pour des hommes habitués aux climats brumeux du nord de l’Europe. Quelques jours après être sorti de la Manche, dont la houle est une rude épreuve pour les novices, on arrive dans la région des vents alizés, où le soleil est brillant, l’air pur, la mer calme et bleue. Dans le lointain, on apercevra peut-être le pic de Ténériffe, dont le sommet neigeux dépasse les brumes légères de l’Océan. Couper l’équateur en un point convenable est l’affaire importante des capitaines qui veulent faire une courte traversée et s’attarder le moins longtemps possible dans les calmes de la zone équatoriale. Un spectacle nouveau vient varier la monotone uniformité du bord. Les oiseaux et les poissons du tropique, la phosphorescence des