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économies les vœux les plus ardens. En 1857, M. Alfred Leroux, rapporteur du budget, après avoir rappelé les engagemens qui avaient été pris par les ministres de mettre fin aux crédits supplémentaires, cause de tous les déficits, après avoir rappelé encore l’opinion du conseil d’état dans le même sens et les vœux exprimés par les diverses commissions législatives, concluait ainsi : « Comment se fait-il que d’une communauté de vœux et de volontés si positives résultent jusqu’ici des effets si contraires ? » En 1859, M. Devinck exprimait sans plus de succès les mêmes doléances. « Les crédits supplémentaires, disait-il, ne sont plus soumis à aucune restriction, ils sont complètement indéfinis, » et, montrant que parmi les crédits il en était qu’on aurait pu prévoir et d’autres qu’on aurait pu ajourner, il ajoutait : « La commission est unanime pour appeler l’attention du gouvernement sur la législation des crédits supplémentaires et sur l’utilité de rétablir la nomenclature des services votés. » Il n’y eut pas jusqu’à la cour des comptes elle-même qui ne s’émût de la situation et qui ne signalât l’abus des viremens, notamment sur les crédits affectés à la dette publique en faveur du service général du ministère des finances et autres de même nature. Enfin au mois de novembre 1861 parut le fameux mémoire où M. Fould, le nouveau ministre des finances, représentait la situation financière sous les couleurs les plus sombres ; on lisait dans ce mémoire que « de 1852 à 1860 on avait ouvert pour 2 milliards 400 millions de crédits supplémentaires et extraordinaires, emprunté sous diverses formes 2 milliards 500 millions, et que malgré cela les découverts étaient encore de près d’un milliard, » et il concluait « en appelant l’attention de l’empereur sur cette situation, qui préoccupait les esprits. » La conséquence du mémoire fut le sénatus-consulte du mois de décembre 1861 ; ce sénatus-consulte avait pour but de mettre fin à l’ouverture des crédits supplémentaires par décret ; il fut décidé que désormais, lorsqu’il y aurait lieu à l’ouverture de l’un de ces crédits, il faudrait l’intervention du corps législatif, et en attendant, dans l’intervalle des sessions, pour laisser au gouvernement les moyens de parer à certaines éventualités, on maintint le système du virement par grande section, et on fut d’accord pour doter largement à cet effet les différens services.

Cette mesure, considérée en elle-même, était assurément très louable, elle était inspirée par les meilleures intentions ; on espérait qu’en demandant préalablement la sanction législative pour toutes les dépenses extraordinaires, on mettrait un frein à l’entraînement qui pousse vers ces dépenses. Il en eût été ainsi en effet, si le sénatus-consulte avait pu enchaîner la politique comme il enchaînait les finances ; mais il n’enchaînait pas la politique, et dès lors il fut impuissant.