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ramener l’ordre dans les finances. Quant à nous, si nous voulons réaliser enfin cet idéal que nous poursuivons toujours sans l’atteindre, l’équilibre dans le budget, il nous faut le demander, non pas à des réformes de détail, à des précautions minutieuses qui seraient prises contre les entraînemens du pouvoir, mais à la grande et unique réforme qui soit efficace, à la réforme libérale. Pourquoi le gouvernement actuel hésiterait-il, et que craint-il ? Il a le nom le plus populaire qui soit dans l’histoire de notre pays, une action sur les masses comme jamais aucun gouvernement n’en a eu, il a de plus à son profit cette force conservatrice que donne l’expérience d’un passé tout récent, et dans lequel peu d’entre nous aimeraient à retomber. Le souvenir de ce passé le préservera longtemps contre de trop grandes exigences de l’opinion publique ; mais en même temps, il ne faut pas l’oublier, ce passé a quatorze ans de date. Depuis, la France a vu que si on lui donnait le repos à l’intérieur, la tranquillité des rues, comme on l’a dit souvent, le péril était au dehors, que chaque année nous étions menacés plus ou moins d’une guerre générale, que des défiances nombreuses s’étaient formées autour de nous, et que ces défiances ne cesseraient que lorsque le gouvernement ne disposerait plus de la même force ; on a vu de plus que nos finances n’avaient pas été conduites avec toute l’économie désirable, que nous avions dépensé beaucoup au-delà de ce que nous aurions dû dépenser, et que si nous avions aujourd’hui les 5 ou 6 milliards dont on a parlé plus haut, beaucoup des problèmes qui nous agitent, des questions qui restent sans solution faute d’argent, seraient résolus. Ce qui est plus grave encore, on a vu que dans un grand pays comme la France, lorsque la liberté n’occupe pas la place qu’elle doit occuper dans les institutions politiques, c’est le soleil qui manque, la vie qui s’éteint, la vie intellectuelle, bien entendu. — Qu’on soit sincère et qu’on examine les produits intellectuels qui sont venus au jour depuis douze ans, qu’on les compare à ceux qui ont pris naissance dans les périodes précédentes, et qu’on nous dise où est l’avantage ; nous n’étonnerons personne en déclarant que les plus beaux rayons qui éclairent encore notre horizon intellectuel sont des reflets de ces époques précédentes. Il y a donc à tous les points de vue un danger sérieux à s’immobiliser dans la situation actuelle et à ne pas faire un pas en avant, lorsque ce pas en avant est sollicité de toute façon, lorsqu’il est nécessaire pour calmer les défiances du dehors, les inquiétudes du dedans, pour mettre de l’ordre dans nos finances, et par-dessus tout pour redonner la vie intellectuelle à un grand peuple.


VICTOR BONNET.