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matiques pour quatre années avec les appointemens de cent quatre-vingts florins par an (1,800 fr. environ). »

Les succès du jeune professeur dépassèrent toutes les espérances. La salle habituelle fut bientôt trop petite ; on dut la changer deux fois, et deux mille auditeurs firent retentir jusqu’à Venise sa réputation d’éloquence et de grand savoir. Son esprit aimable et gracieux le fit bientôt rechercher par les plus illustres patriciens, et c’est un honneur pour le sénat de l’avoir libéralement favorisé en toute circonstance. Son engagement de quatre années fut renouvelé, et ses appointemens furent successivement augmentés jusqu’à la somme de 1,000 florins, qui lui fut assurée pour toute sa vie. Plusieurs de ces augmentations étaient la récompense des découvertes utiles et excellentes par lesquelles son génie inventif marquait pour ainsi dire tous les pas de sa carrière ; l’occasion de l’une d’elles fut cependant toute différente. Une jeune Vénitienne, dont il était éperdument amoureux, avait suivi Galilée à Padoue ; leurs relations étaient publiques. Quoiqu’on ne se piquât pas alors d’une grande sévérité de mœurs, cette situation irrégulière fut dénoncée au sénat, qui ne crut pas, dit un auteur italien, devoir punir ce crime d’un nouveau genre, et voulant au contraire, dans sa sagesse, couvrir de confusion les envieux délateurs, il tourna en faveur de Galilée le fait allégué pour le perdre, et puisque, n’étant pas seul, il avait double dépense à faire, on doubla ses appointemens.

Malgré cet accroissement de revenu, le jeune professeur devait consacrer à des leçons particulières une grande partie de son temps. La mort de son père l’avait fait chef d’une famille nombreuse à laquelle il fallait venir en aide. Ses lettres, sans respirer une grande tendresse, montrent des sentimens généreux et désintéressés ; il fait posément, et sans élan il est vrai, tout ce qui est utile et nécessaire. C’est ainsi, par exemple, qu’à l’occasion d’un mariage proposé pour Livie, la plus jeune de ses sœurs, il écrit à sa mère que pour le moment, obligé d’aider son frère Michel-Ange, qui vient d’obtenir un emploi en Pologne, il lui serait impossible de faire les dépenses voulues. Le parti semble d’ailleurs peu avantageux, et les ressources du futur ne permettraient pas de conduire une maison. « Cependant, ajoute-t-il, lorsque Michel-Ange aura envoyé de l’argent, si Livie veut encore affronter les misères du monde, nous pourrons nous occuper d’elle ; d’ici là, je voudrais seulement qu’on la changeât de couvent. Il est meilleur pour elle d’attendre : on pourrait lui citer pour l’en convaincre des dames de la plus haute naissance et même des reines qui, pour se marier, ont attendu un âge double du sien. »

Lorsque Galilée arriva à Padoue, ses idées sur le système du