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monde étaient entièrement formées. C’est à lui-même, sans nul doute, que se rapporte le récit suivant, placé dans la bouche de l’un des interlocuteurs de ses dialogues. « Lorsque, jeune encore, je finissais mon cours de philosophie, un étranger, nommé Christiano Urstino, fit à l’académie quelques leçons publiques sur le système de Copernic, dont il était partisan. L’affluence fut grande, mais je me dispensai d’aller entendre la défense d’une opinion que peu de personnes approuvaient, et qui me semblait complètement absurde. Urstino d’ailleurs eut peu de succès ; ses auditeurs restaient incrédules et concluaient tous contre lui : un seul d’entre eux osa m’affirmer que sa théorie n’était nullement ridicule ; mais, comme celui-là était précisément un homme de grand bon sens, je regrettai de n’avoir pas assisté aux leçons. Interrogeant alors les partisans de Copernic, j’appris que tous d’abord avaient été opposés à sa doctrine, et ne l’avaient adoptée que forcés par des argumens sans réplique. »

Galilée pensa alors qu’en ce point, comme en beaucoup d’autres, il valait mieux suivre le petit que le grand nombre, et cette inclination un peu vague, fortifiée par de continuelles méditations et par la lecture attentive du livre de Copernic, devint bientôt pour lui une inébranlable conviction. Une lettre à Képler, datée du 6 août 1597, montre ses opinions très arrêtées. Après avoir reçu le Prodrome, dans lequel sont réunis les plus forts argumens qui aient été donnés en faveur de Copernic, il lui écrit : « Je lirai votre livre d’autant plus volontiers que depuis longtemps déjà je suis partisan de Copernic. J’ai trouvé dans ses idées l’explication d’un grand nombre d’effets naturels qui autrement seraient inexplicables. J’ai écrit tout cela, mais je me garde de le publier ; le sort de Copernic m’effraie, je l’avoue : il était digne d’une gloire immortelle, et on l’a mis au nombre des insensés. Je serais plus hardi s’il y avait beaucoup d’hommes tels que vous. » Toujours pressé du désir de propager la vraie doctrine, Képler répondit : « Ayez confiance, Galilée ; peu de mathématiciens, j’en ai la certitude, refuseront de marcher avec nous. Si l’Italie met obstacle à vos publications, l’Allemagne peut-être vous offrira plus de liberté, et si vous ne voulez rien publier, communiquez-moi au moins particulièrement ce que vous aurez trouvé de favorable à Copernic. »

Galilée dans sa chaire jouissait d’ailleurs d’une grande liberté. Les réformateurs vénitiens applaudissaient à des hardiesses qui enrichissaient l’université en augmentant le nombre de ses élèves. Des princes et des grands seigneurs étaient attirés de toutes les parties de l’Italie et de l’Europe par la réputation croissante de l’illustre professeur, et pendant les vacances même Galilée était