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unique singularité, dont il était réservé à Huyghens de pénétrer le mystère. L’observation des phases de Vénus frappa plus encore les astronomes : elles étaient la conséquence nécessaire du système de Copernic. Ses adversaires l’avaient remarqué et prenaient avantage de l’absence de ces phases. L’observation nouvelle renversait donc un de leurs forts. Galilée ne manqua pas de le constater, mais sans croire pour cela, avec quelques-uns de ses admirateurs, qu’il avait déraciné les derniers doutes et fermé la bouche aux contradicteurs. « Que mes observations, écrit-il à un ami, fournissent de belles conséquences ! mais vous me faites rire en croyant qu’elles vont dissiper tous les nuages et faire cesser les discussions. La démonstration est depuis longtemps portée à la dernière évidence. Nos adversaires seraient persuadés s’ils pouvaient l’être ; mais ils veulent se tromper eux-mêmes ; leur obstination est aveugle et leur ignorance invincible. Les étoiles, descendant du ciel, proclameraient elles-mêmes la vérité sans les décider à la reconnaître. »

Les insinuations des envieux se mêlant aux clameurs des péripatéticiens ne pouvaient cependant obscurcir la gloire de Galilée et empêcher son nom de grandir ; sa renommée remplissait l’Italie entière. Le grand-duc de Toscane, heureux d’en faire rejaillir l’éclat sur sa patrie, accueillit avec empressement les ouvertures de l’illustre astronome, qui désirait échanger la chaire de Padoue contre une position moins laborieuse. « Pendant les meilleures années de ma vie, écrivait Galilée à un ami, j’ai compté les heures du jour par celles du travail, dissipant sans cesse pour l’usage d’autrui ce que la nature et l’étude m’ont donné d’habileté et de science. » Trente ans plus tard, en songeant aux jours d’espérance, de travail et de douce sûreté écoulés dans une ville où, sans crainte et sans inquiétude, il avait contemplé tant de merveilles et proclamé tant de vérités illustres, « c’est à Padoue, écrivait-il, que j’ai passé les meilleures années de ma vie ! » Sous les mêmes mots, quelle différence d’accent !

Galilée n’avait pas la prétention déraisonnable d’obtenir des appointemens du grand-duc sans lui rendre aucun service ; sentant en lui une source toujours abondante d’inventions et de vérités nouvelles, il ne désirait pas le repos pour délasser son esprit, mais pour demander à des études plus continuelles et plus libres des inspirations plus hautes encore et des travaux plus achevés. « Le prince auquel je serai attaché ne regrettera pas, écrivait-il, sa libéralité ; mes inventions lui appartiendront et pourront lui rendre de grands services. » Son ami Sagredo déplorait cependant sa résolution et en prévoyait les suites malheureuses. « Pour retourner, lui écrivait-il, dans votre patrie, vous quittez le lieu qui vous conve-