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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/60

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nait. Vous suivez un prince illustre plein de vertu et de grandes espérances ; mais, commandant ici à ceux qui commandent aux autres, vous n’aviez à obéir qu’à vous seul. La cour est une mer orageuse où nul ne peut se flatter d’éviter toujours les écueils et les naufrages. » Galilée, négligeant ces sages avis, se rendit cependant à Florence. Au titre de mathématicien du grand-duc, Cosme de Médicis joignit, selon son désir, celui de philosophe. Les appointemens furent fixés à 1,000 écus (11,000 francs) par an, et deux années gracieusement payées d’avance lui permirent d’acquitter la dot promise à ses sœurs, et dont une partie, garantie par son frère Michel-Ange, restait encore due à ses beaux-frères.


II.

Galilée était connu depuis longtemps à la cour de Florence. Il s’y était rendu plusieurs fois pendant les vacances de l’université pour donner des leçons au jeune fils du duc. Les lettres écrites pendant son séjour à Padoue témoignent de ses relations continuelles et intimes avec l’entourage du prince. Quelques-unes sont relatives à l’achat d’une pierre d’aimant très singulière, dont les propriétés extraordinaires, très clairement décrites par Galilée, ont semblé difficiles à expliquer aux physiciens. Cette pierre, que le grand-duc paya 200 écus d’or, attirait le fer à distance et le repoussait de près. Galilée, qui pendant quatre jours a pu l’étudier attentivement, déclare qu’elle diffère de tous les autres aimans connus. La pierre a été malheureusement perdue, et du temps de Leibnitz, qui a déploré cette perte, on ignorait déjà ce qu’elle était devenue.

L’illustre astronome aimait l’éclat du monde et la société des grands ; il se trouva fort heureux à Florence : l’intime familiarité du grand-duc et la profusion de ses grâces lui donnaient beaucoup de crédit à la cour, où chacun l’applaudissait et l’entourait de prévenances. Peu de jours après son arrivée, Cosme de Médicis lui offrait pour la belle saison celle de ses villas qui lui conviendrait le mieux. Malheureusement le gouvernement de Florence était loin d’avoir vis-à-vis de la cour de Rome la même indépendance que celui de Venise. Galilée devait l’apprendre par une triste expérience. Comme s’il prévoyait que les embarras viendraient de ce côté, un des premiers usages qu’il fit de sa liberté fut de se rendre à Rome, désireux d’y établir des amitiés utiles parmi les conseillers du saint-siège et de les faire adhérer à la vérité de ses découvertes. Il fut accueilli avec grande faveur. L’académie des Lyncei, fondée par le prince Cesi, s’empressa de lui ouvrir ses rangs ; elle doit à son adjonction la plus belle part de sa gloire. Galilée accepta le titre de lynceus, dont