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de ces aventures lointaines dans l’unique pensée d’observer la diversité des mœurs, les gradations infinies de la civilisation humaine. M. le comte Henri Russell-Killough, en parlant au retour de ce qu’il a vu durant cette course de seize mille lieues, n’a point voulu, ce nous semble, faire une œuvre de savant ni même de voyageur de profession ; il a voulu écrire un livre simple, naturel, familier, où il recueille ses souvenirs et ses impressions. Il peut y avoir dans ce récit quelque prolixité, une certaine inexpérience, même quelquefois de l’incorrection de style ; ce qui en fait l’intérêt, c’est la candeur résolue, la sincérité, le feu, une bonne humeur que rien ne déconcerte, le don de voir et de peindre le paysage et les mœurs. C’est par là, c’est par un mélange d’observation et d’émotion que ce livre de voyage a un véritable attrait, en entraînant l’esprit vers des régions si peu connues et en donnant une idée heureuse du jeune voyageur : on le suit d’étape en étape, on s’intéresse aux péripéties de son excursion, et sans quitter le foyer on voit se dérouler comme dans un éclair tous ces spectacles du monde que fait revivre un témoignage intelligent et fidèle.


CH. DE MAZADE.


DE QUELQUES ÉTUDES CRITIQUES SUR L’ANTIQUITÉ


L’étude de l’antiquité n’est pas près d’être abandonnée, elle a survécu, elle survivra encore à bien des révolutions dans l’ordre des choses intellectuelles ; mais chaque siècle, même chaque génération du monde moderne, a une manière différente d’étudier les anciennes littératures ; chaque génération imprimé, on peut le dire, la marque de son caractère et de ses préoccupations sur les travaux qu’elles lui inspirent ! Nous sommes aujourd’hui bien loin du temps où le charme pur de la science abstraite et de l’érudition attirait vers l’antiquité ; nous avons également passé celui où l’on s’efforçait individuellement, dans ce commerce avec les anciens, de se fortifier l’esprit et le cœur et de se tremper vigoureusement contre la fortune et ses hasards. Certaines âmes d’élite, âmes stoïques et solitaires, se nourrissent encore en silence de la forte moelle des Sénèque et des Tacite ; mais en général ce que nous recherchons avant tout dans cette étude, c’est le lien ininterrompu qui unit le présent au passé, c’est la chaîne des idées, des croyances, des aspirations, qui, comme un câble immergé, disparaît et sombre parfois sous le flot grondant des événemens et des catastrophes. Cette préoccupation n’est pas plus noble assurément que ce désir du philosophe de s’assimiler la vertu morale des anciens ; elle est cependant plus vaste et plus haute, car ce qu’elle embrasse dans son point de vue, ce n’est pas seulement le moi humain, c’est l’état social de l’humanité tout entière. L’intérêt pratique d’une pareille étude n’est donc contestable pour personne : le passé fournit volontiers.des applications au présent, et, si le théâtre et l’encadrement se modifient, ce sont toujours les mêmes élémens que mettent en œuvre à toutes les époques l’activité et le génie de l’homme.

Si l’on parcourt successivement les divers travaux critiques qui viennent