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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/1000

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traîner dans la guerre par haine de race contre les Brésiliens et par sympathie d’origine pour les habitans de la Bande-Orientale. Si les hommes d’état de la confédération désirent la paix, il leur sera certainement bien difficile de contenir l’exaspération populaire qui se manifeste de plus en plus fortement contre l’ennemi traditionnel des colonies hispano-américaines.

La crise est d’autant plus sérieuse pour les états de la Plata, qu’elle pourrait tôt ou tard se compliquer des questions d’autonomie provinciale et de centralisation politique qui n’ont pas encore été nettement résolues. Toutefois cette crise ne saurait être fatale, et retardera seulement la prospérité des trois républiques, car lorsque celles-ci étaient beaucoup moins fortes qu’elles ne le sont aujourd’hui, elles ont heureusement résisté à des causes de désorganisation bien plus grandes. C’est pour le Brésil surtout que la guerre soulevée par lui peut devenir redoutable. Dans cette lutte contre les états hispano-américains, le gouvernement de Rio-Janeiro n’a pas même la prépondérance de la force matérielle. Avec son armée de 20 à 25,000 hommes, répartis sur la moitié d’un continent, avec son budget, qui n’est jamais en équilibre et qui vient de subir les conséquences d’une effroyable crise financière, le Brésil n’est peut-être pas même en état de se mesurer victorieusement contre un seul de ses adversaires, la république du Paraguay, qui n’a pas un centime de dette nationale[1], et dont l’armée, recrutée dans une population docile et relativement très compacte, offre une grande solidité. Si la guerre devient sérieuse, nul doute que l’armée du président Lopez ne puisse s’emparer du riche district de Cuyaba, aussi vaste que tout le Paraguay : c’est là un territoire que les impériaux ne peuvent défendre à cause de la difficulté des communications par terre, car il leur faudrait marcher pendant des mois entiers pour s’y rendre à travers les solitudes. D’ailleurs il ne faut pas oublier que, même dans le Bio-Grande, l’armée brésilienne aura le désavantage de combattre aux extrémités de l’empire ; sur cette partie du sol national, elle n’aura pas moins d’obstacles à surmonter qu’en plein pays ennemi.

Quant à la force que donnent les mœurs et les institutions politiques, elle n’est pas non plus du côté de l’oligarchie brésilienne, classe encore barbare, comme l’aristocratie russe, malgré son vernis de civilisation. Il est vrai qu’elle se vante de représenter le principe d’ordre en s’emparant des estancias et en bombardant les ports

  1. Alors que tant de gouvernemens vivent d’emprunts, l’état du Paraguay est assez riche pour se faire prêteur : moyennant 6 pour 100 d’intérêt, il avance de petites sommes à tous les particuliers qui en ont besoin.