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il ne restait plus à l’amiral brésilien que de s’entendre avec Florès pour accomplir les conquêtes annoncées d’avance avec tant de fracas ; mais jusqu’à présent il "n’a point encore eu l’occasion de tenir sa parole et de se couvrir de gloire. Il a pourchassé quelques embarcations de guerre du gouvernement oriental, gêné la navigation sur les côtes de la république et bombardé en vain pendant un jour la ville importante de Paysandu. Cette place, située sur une haute berge de l’Uruguay, n’avait d’autres fortifications que des barricades improvisées. Après avoir subi le feu de toute l’escadre brésilienne, elle fut attaquée d’un côté par l’armée de Florès, de l’autre par les troupes de débarquement ; mais la garnison, que commandait un officier connu par sa bravoure, le colonel Leandro Gomez, repoussa tous les assauts, après avoir fait perdre à l’ennemi plusieurs centaines d’hommes. Les commandans des escadres étrangères envoyées en observation dans le Rio de la Plata intervinrent pendant la nuit pour empêcher l’amiral brésilien de renouveler le bombardement.

Les choses en sont là. Les vaisseaux du baron de Tamandaré continuent de croiser dans les eaux de la Bande-Orientale, Florès et ses cavaliers brésiliens harcèlent toujours les troupes de la république, et le général Souza Netto s’empare, à titre de représailles, des estancias les plus riches de la contrée. Peu soucieux de sa dignité, l’empire du Brésil ne craint pas de s’allier à un simple rebelle, et, sans avoir fait la moindre déclaration d’hostilités, il prend part à une guerre atroce contre un pays dont il a lui-même solennellement garanti l’indépendance. Voici pourtant que se forme un nouvel orage. Le président du Paraguay, qui depuis longtemps protestait contre les tentatives de conquête des planteurs brésiliens, intervient à son tour par la force. Il confisque les bateaux à vapeur du Brésil, remet ses passeports au ministre de dom Pedro, envahit les territoires contestés qui s’étendent au nord de la république, accueille les noirs fugitifs des provinces voisines, pour les mettre immédiatement à l’œuvre, comme travailleurs libres, sur le chemin de fer de Villa-Rica, et se prépare à émanciper tous les esclaves des planteurs de Matto-Grosso. C’est là une puissante diversion en faveur de la Bande-Orientale, et désormais le grand empire, qui ne daignait pas même déclarer la guerre au faible état de l’Uruguay, n’a pas trop de toutes ses ressources en hommes et en argent pour reconquérir ses communications fluviales avec les provinces de l’intérieur et mener de front d’immenses opérations stratégiques sur une frontière de plus de 3,000 kilomètres. La situation deviendrait bien plus grave encore, si les populations de l’Entre-Rios, du Corrien tes ou celles de toute la république argentine se laissaient en-