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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/1041

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L’enquête a recensé 101,171 fabricans ; sur ce total, on compte 7,492 fabricans qui occupent plus de 10 ouvriers, 31,480 qui emploient de 2 à 10 ouvriers, et 62,199 qui n’ont qu’un seul ouvrier ou travaillent seuls. La grande et la moyenne industrie, représentées par la première de ces catégories, ne figurent dans l’ensemble du chiffre des fabricans que pour une proportion de 7 pour 100 ; le reste appartient à la petite industrie. La moyenne générale de l’effectif par établissement n’atteint même pas le chiffre de 5 ouvriers. Ainsi ce qui caractérise tout spécialement l’industrie parisienne, c’est l’extrême division du travail, la variété, le morcellement. Les grandes usines sont rares et clairsemées, les petits ateliers sont très nombreux ; il n’y a rien là qui ressemble à la physionomie des villes de fabriques, où plusieurs grandes usines emploient chacune des centaines et des milliers d’ouvriers adonnés au même travail, gagnant le même salaire, obéissant à un seul intérêt. À Paris, la population industrielle se divise en une infinité de catégories, dont la condition est très variable, et dont les intérêts, loin d’être toujours identiques, sont quelquefois contradictoires. L’agglomération n’y offre donc point les périls que l’on pourrait redouter ailleurs.

Les 416,000 ouvriers qui ont été recensés se composent de 286,000 hommes, 105,000 femmes et 25,000 enfans. Dans les industries qui s’appliquent au vêtement, aux fils et tissus, à l’article de Paris, le nombre des femmes excède celui des hommes. Si l’on élimine ces trois industries, où l’intervention des femmes se justifie par la nature même du travail et où l’on compte 75,000 ouvrières travaillant en grande partie chez elles, il reste 30,000 femmes qui, dans les autres groupes, vivent du salaire quotidien. Cette proportion n’est peut-être pas excessive, mais on ne saurait désirer qu’elle s’étende, et, tout en laissant à chacun sa pleine liberté, nous ne croyons pas que l’on doive encourager les efforts de quelques patrons qui, soit pour obtenir une main-d’œuvre économique, soit même avec la pensée plus louable de procurer aux familles de leurs ouvriers un supplément de ressources, cherchent à introduire les femmes dans des ateliers réservés jusqu’ici au travail des hommes. La place de la femme est au foyer domestique : là est son devoir, sa dignité, son influence ; c’est là qu’elle gagne son salaire par l’ordre qu’elle maintient dans le modeste logis et par l’accueil qu’elle prépare à l’ouvrier qui revient de l’atelier. Les moralistes ont mille fois raison de protester contre la participation active des femmes aux travaux industriels et de rappeler à ce sujet les principes sur lesquels repose toute organisation sociale. Si, dans la sphère politique, les hommes graves engagent de si vifs débats