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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 février 1865.

Imagine-t-on une situation plus ingrate et plus ridicule que celle où nous écrivons ? Le discours impérial, l’événement de l’heure présente, l’objet de la curiosité de tous, le thème obligé des appréciations et des discussions des jours qui vont suivre, ne nous sera connu que lorsque ces lignes seront publiées. Nous voilà obligés de deviser politique sur des motifs qui seront vraisemblablement demain hors de propos ; nous sommes là, à quelques heures de la cérémonie, exclus de la fête par une date fatale, obligés, penauds, confus et morfondus, de mâcher à vide et de tuer le temps par d’oiseuses rêveries. En vérité nous croyons avoir des titres à la débonnaire indulgence du lecteur.

Quoi qu’il en soit, voici la saison parlementaire tout à fait revenue. La session anglaise a été ouverte le 7 février, et la nôtre s’ouvre demain. Nous n’avons pas trop à regretter de n’être point en état de mettre en parallèle le discours de l’empereur avec la harangue que la reine a fait prononcer par le lord chancelier couvert de sa perruque surmontée de son cocked hat. Les discours impériaux sont d’ordinaire très significatifs, et jamais le discours royal n’a été en Angleterre plus insignifiant que cette année. L’empereur a particulièrement à nous entretenir en ce jour de choses graves et intéressantes, telles que la convention du 15 septembre, l’encyclique peut-être, les affaires du Mexique, etc., tandis que le gouvernement anglais n’avait à peu près rien à dire. L’opposition anglaise n’a donc rien objecté à un discours si inoffensif. « Voilà bien le discours, s’est écrié lord Derby en belle humeur, qui devait être adressé par un ministre âgé à un parlement moribond. » La chambre des communes est en effet un malade dont les jours sont comptés ; elle a fourni toute sa carrière législative, et commence sa septième session. À la veille d’élections générales, le ministère avait à choisir, pour la rédaction du discours de la couronne, entre deux manières : il pouvait faire de ce discours un manifeste de parti, y entonner le cry électoral, ou bien y effacer au contraire toutes les ques-