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donnés aux Américains la vaste participation des négocians anglais à l’armement des corsaires confédérés et au commerce de contrebande. Les Anglais commencent à comprendre l’indignation avec laquelle les Américains ont vu le Canada servir de repaire à des pirates et à des pillards confédérés. Ils comprennent le tort que ferait au Canada la rupture des traités de réciprocité qui depuis tant d’années règlent les relations quotidiennes des États-Unis et de la colonie anglaise. Certains membres de la chambre des communes étaient disposés à se plaindre avec amertume et violence de la dénonciation de ces traités signifiée par les États-Unis. Lord Palmerston s’est hâté de donner à ces ardens une leçon de prudence : il leur a rappelé qu’il est injuste de reporter sur le gouvernement des États-Unis la responsabilité des vivacités de langage qui distinguent la presse américaine ; il les a invités à prendre confiance dans le bon sens et la modération du cabinet de Washington ; il leur a conseillé de ménager leur colère et d’attendre tout au moins l’événement de la rupture des conventions, qui ne peut avoir lieu que dans six mois, pour s’abandonner aux récriminations chagrines. Ainsi, au dehors comme au dedans, repos, tranquilliié, sagesse de conduite, circonspection de langage, voilà la politique anglaise. Du plus turbulent des hommes, lord Palmerston est devenu le plus pacifique ; du plus provoquant en paroles, le plus conciliant et le plus doux. Qui eût dit que, sous la conduite de lord Palmerston, l’Angleterre en viendrait à ne plus rechercher d’autre bonheur que celui des peuples qui n’ont pas d’histoire ?

Nous n’en sommes point encore là en France. Sans doute jamais, depuis quelques années, la situation, au point de vue des afifaires extérieures, n’a eu chez nous une aussi pacifique apparence. Pour la première fois depuis 1859, les plus timorés ont perdu le droit de redouter la guerre au printemps. Cependant nous avons de graves affaires engagées, qu’escortent d’inévitables soucis. Nous avons la convention du 15 septembre, nous avons les polémiques religieuses irritées et envenimées par l’encyclique ; nous avons le Mexique, qui nous crée, à nous aussi, des relations délicates avec les États-Unis. Nos chambres vont s’emparer de ces questions et les placer sous une plus large et plus vive lumière devant le public. Il n’est pas possible de mettre au discours impérial la précieuse sourdine avec laquelle lord Palmerston a éteint toutes les notes du discours de sa souveraine.

Et d’abord la convention du 15 septembre. Le discours impérial réussira-t-il à en définir nettement le caractère et la portée ? On raconte qu’un personnage illustre de ce temps-ci, ayant eu l’honneur récemment d’être reçu par l’empereur, prit la liberté de lui demander quelles étaient ses intentions sur Rome. « Quant à Rome, aurait dit l’empereur, j’ai, monsieur, deux ans pour vous répondre. » Le mot est spirituel ; il est politique aussi, nous en convenons. Il est clair pour le moment que la politique française ne peut se placer ni en-deçà ni au-delà de l’engagement à échéance qu’elle a souscrit par la convention du 15 septembre. On ne peut pas demander au