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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/1058

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gouvernement de prévoir toutes les hypothèses qui pourraient se produire dans deux ans et d’enchaîner vis-à-vis de chacune de ces hypothèses sa liberté d’action par une résolution préconçue. Aucun homme politique sérieux ne se croira autorisé à demander au gouvernement ce qu’il ferait, si telle chose arrivait : on ne se lie pas les mains sur des éventualités qui peut-être ne se présenteront point et peut-être se présenteront au milieu de circonstances qu’on ne saurait aujourd’hui ni prévoir ni apprécier. L’hypothèse et la chimère écartées, le gouvernement pourra, ce nous semble, ramener avec assez de succès les adversaires de la convention à l’examen consciencieux du caractère propre de cet acte. Qu’est-ce que la convention du 15 septembre en elle-même ? C’est une expérience tentée pour rendre, si c’est possible, au gouvernement temporel du pape son autonomie. Se trouvera-t-il quelqu’un pour dire qu’une telle expérience ne devait pas être tentée ? Mais ce serait déclarer d’une part que la papauté temporelle ne sera jamais capable d’exister par elle-même, de se suffire à elle-même, et proclamer de l’autre que, ne pouvant vivre que par le secours d’une force étrangère, c’est la France qui devra lui prêter en permanence le secours de cette force étrangère. Les deux propositions sont également insoutenables. Les partisans de la papauté temporelle, s’ils sont de bonne foi, s’ils ont quelque souci de la dignité et de la logique de leur opinion, ne peuvent point faire un tel aveu de l’incapacité radicale de la papauté temporelle ; aucun homme politique qui se respecte n’osera soutenir que l’occupation de Rome par la France doive être indéfinie quant à la durée, c’est-à-dire permanente. Il faut donc de toute nécessité faire l’expérience qu’on va essayer. — Mais, répliquent les adversaires, cette expérience est tentée dans des conditions détestables pour la papauté ; elle commence par consacrer les spoliations dont le saint-siège a été victime. — Qu’est-ce à dire ? Veut-on qu’avant d’évacuer Rome nous reconquérions la Romagne et les autres provinces pour le saint-père ? Mais c’est oublier d’une façon trop choquante les deux conditions essentielles du problème qu’il s’agit de résoudre : il faut que le pouvoir temporel soit mis pu état de subsister par lui-même, et il faut que la France quitte Rome. Or, la France quittant Rome après avoir donné au pape la Romagne reconquise, qui croira que le pouvoir du pape pût exister par lui-même au milieu d’une Italie humiliée, irritée, plus révolutionnée que jamais ? Comment d’une part pourrait-on revenir à la situation antérieure à 1859 sans remettre tout en question, sans compromettre la paix européenne, sans créer en Italie un épouvantable chaos ? Comment d’autre part pourrait-on considérer comme une solution le retour à un état de choses qui était pour l’Italie et l’Europe une crise aiguë, et qui a précisément produit la guerre de 1859 ? L’idée de prendre son point de départ, pour essayer de faire vivre par lui-même le pouvoir temporel, en dehors des faits présens et de la situation actuelle serait impraticable, insensée, indigne d’occuper un seul instant des politiques sérieux. Il fallait donc prendre la seule base pos-