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pire mexicain ; mais ne serait-il pas déplorable de nous être suscité et d’entretenir, sans compensation pour nous, une cause de froideur, de mésintelligence, de tracasseries dans le voisinage de cette grande république ?

Aussi bien, à mesure que les événemens marchent de l’autre côté de l’Atlantique, il importe que la politique de la France vis-à-vis des États-Unis soit nettement établie sur ses bases naturelles, soit ramenée dans ses traditions, en un mot soit définitivement rectifiée. Depuis que la guerre civile a éclaté aux États-Unis, la politique française, dans ses rapports avec l’Amérique, a commis plus d’une faute grave ; on a cru que les sympathies du gouvernement français penchaient pour les confédérés ; on a su que la France avait, à plusieurs reprises, proposé à l’Angleterre d’intervenir dans cette guerre civile ; on a pu lire dans les débats de la chambre des communes les indiscrétions de M. Roebuck racontant son voyage et ses entretiens de Paris ; on a vu la France, que l’Angleterre et la Russie refusaient de suivre, s’avancer seule vers les États-Unis et leur proposer ses bons offices pour la négociation d’un armistice avec des ennemis que les États-Unis considéraient comme des rebelles. Nous ne parlons point de l’expédition du Mexique. Il y a eu là une série de procédés que le gouvernement de Washington n’a pas pu considérer comme inspirés par le dessein de lui être agréable, des appréciations dont les événemens ultérieurs ont montré l’inexactitude, pour tout dire, des fautes politiques dont nous voudrions pouvoir effacer le souvenir. Quand on interroge des Américains du Nord hostiles au parti qui est au pouvoir, des démocrates, des copperheads, ils disent que le gouvernement français s’est trompé, s’il a cru que la rébellion mènerait à une séparation finale, qu’il eût abrégé la lutte et dissipé l’illusion des séparatistes, si dès le principe il avait manifesté à la cause du nord ses sympathies morales. À l’origine, lorsque, s’emparant de toutes les ressources militaires de l’Union, les meneurs du sud formèrent la ligue des états confédérés, ils n’avaient point en vue une scission réelle, ils espéraient jeter le désarroi dans le parti républicain, reprendre à la faveur du concours du parti démocrate l’ascendant sur les républicains, renverser par la révolution le gouvernement de M. Lincoln et reconstruire l’Union au profit de leurs intérêts. Trompés dans ce premier dessein, les meneurs confédérés ont été trompés encore par les sympathies que leur manifestaient la presse anglaise et, croyaient-ils, le gouvernement français ; ils espéraient qu’ils seraient reconnus un jour par la France et par l’Angleterre, et, victimes de cette illusion, ils s’acharnèrent à la lutte avec cette énergie désespérée qui n’est point encore entièrement lassée. Il eût été plus humain, tout en admirant leur bravoure et leurs rares qualités politiques, de les prévenir dès l’origine que leur cause, liée au maintien de l’esclavage et aboutissant à la dissolution anarchique d’un des plus grands états du monde, ne pouvait avoir les vœux des peuples libéraux de l’Europe occidentale.

On voit la trace évidente des impressions fâcheuses que la politique du