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Bientôt cependant tout ce trouble finit par s’apaiser ; la tentative de Francfort avortait décidément, et le monde eut le réjouissant spectacle d’une Germanie qui, à force de vouloir s’unir, se divisait de plus belle. Grande-Allemagne, Petite-Allemagne, assemblées générales du National Verein, entrevues ministérielles pour la formation d’une triade, conférences ministérielles de Nuremberg pour le développement du programme de Francfort, toutes émettaient à l’envi des plans de concorde qui provoquaient des protestations unanimes ; chaque borne devint un mons sacer, et M. de Bismark ne fut pas l’acteur le moins gai de la troupe. Ce qui offusquait surtout le ministre prussien dans le programme de Francfort, c’est qu’il n’était pas assez libéral, assez « avancé ; » — ainsi le déclarait-il dans le rapport solennel qu’il adressa au roi Guillaume Ier (15 septembre). Au lieu d’une assemblée de délégués des diverses chambres allemandes que l’empereur François-Joseph parlait d’instituer à Francfort, M. de Bismark y voulait voir « une représentation véritable, élue directement par le suffrage universel. » Étrange contradiction du cœur humain ! M. de Bismark avait chez lui, à Berlin, un parlement dont il ne pouvait guère s’accommoder, qu’il ne faisait qu’insulter, renvoyer ou dissoudre ; mais cette représentation nationale, il l’imposait à la pointe de ses baïonnettes au souverain de Hesse-Cassel, et il la demandait à grands cris à Francfort ! L’agitation se prolongea encore pendant un certain temps, et les conférences de Nuremberg notamment, où l’Autriche fit un dernier effort pour ressaisir l’hégémonie, un moment entrevue au mois d’août dans la ville libre des bords du Mein, ne devaient cesser qu’à la grande crise de novembre 1863, lors de la proposition du congrès européen.

Tous ces débats ne servirent du reste qu’à augmenter l’extrême tension entre l’Autriche et la Prusse ; ils eurent de même pour effet naturel de rapprocher de nouveau le gouvernement de Vienne du cabinet des Tuileries et de la question polonaise. Dans les commencemens du mois de septembre, le comte Rechberg parlait de la nécessité de prendre une attitude « énergique » vis-à-vis de la Russie et d’en arriver à quelque chose de « décisif. » Il se fit adresser un rapport détaillé sur les forces de l’insurrection, et s’empressa de le communiquer à Paris. D’après ce rapport, le mouvement, loin de