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femmes pour avoir des rejetons d’élite. Là-dessus Platon, leur admirateur, conseille aux magistrats d’arranger les mariages annuels de telle façon que les meilleurs hommes aient les meilleures femmes. Xénophon, de son côté, blâme Athènes, qui n’a rien de semblable, loue l’éducation des femmes Spartiates tout entière arrangée pour qu’elles enfantent à l’âge qu’il faut et qu’elles aient de beaux enfans. Leurs jeunes filles, dit-il, s’exercent à la course et à la lutte, et cela est sagement ordonné, car comment des femmes élevées, comme on le veut d’ordinaire, à faire des ouvrages de laine et à demeurer tranquilles « enfanteraient-elles quelque chose de grand ? » Il remarque que dans leurs mariages tout est réglé dans cette vue ; un vieillard ne peut garder sa jeune femme pour soi : il doit choisir « entre les jeunes gens dont il admire le plus le corps et l’âme un homme qu’il amènera dans sa maison, et qui lui donnera des enfans. » On voit que chez ce peuple, qui a poussé le plus loin l’esprit tout gymnastique et militaire de l’institution nationale, il s’agit avant tout de faire la race.

Une petite rotonde à côté de là renferme les chefs-d’œuvre de Canova, tant loué, je ne sais pourquoi, par Stendhal, un Persée qui est un élégant efféminé, deux Lutteurs qui sont des boxeurs rancuniers, des charretiers déshabillés occupés à échanger des gourmades. Nul intermédiaire entre la fadeur et la grossièreté, entre le joli jeune homme de salon et les déchargeurs de la halle. Cette impuissance montre à l’instant la différence de l’antique et du moderne.

En continuant, on trouve le Mercure du Belvédère ; c’est un homme jeune et debout comme le Méléagre ; mais encore plus beau, le torse est plus fort et la tête plus fine ; sur son visage voltige une légère expression souriante, une grâce et une pudeur de jeune homme bien né, qui sait parler, car il est de race intelligente et choisie, mais qui hésite à parler, parce que son âme est encore neuve. L’éphèbe grec, devant qui Aristophane fait plaider le Juste et l’Injuste, avait assez couru, lutté et nagé, pour avoir cette superbe poitrine et ces muscles souples ; il était demeuré assez voisin de la simplicité primitive, assez exempt des curiosités, des disputes et des raffinemens qui commençaient à s’introduire, pour avoir ce visage calme. Ce calme est si grand, qu’au premier regard on le prendrait pour un air boudeur et un peu triste. Si l’on ôte la Vénus de Milo et les statues du Parthénon, je ne lui sais pas d’égal.

L’Apollon du Belvédère est d’un âge plus récent et moins simple. Si beau qu’il soit, il a le défaut d’être un peu élégant, il devait plaire à Winckelmann, aux critiques du XVIIIe siècle. Ses cheveux crêpés tombent derrière l’oreille avec une distinction charmante, et se relèvent sur le front en une sorte de petit diadème, comme