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Pendant dix ans, le marché anglais ne subit point de secousses qui méritent d’être signalées. L’année 1836 s’ouvrit avec tous les symptômes d’une grande prospérité. Les prix montaient, l’escompte était facile, nul symptôme alarmant n’entravait l’élan des affaires. Beaucoup de compagnies de chemins de fer se fondèrent au printemps. On vit s’établir aussi 42 nouvelles banques avec au moins 200 succursales, ce qui portait le chiffre total de ces établissemens de crédit à 670, comptant près de 37,000 actionnaires. Tout à coup l’or commence à s’écouler à flots vers l’Amérique, où le président Jackson s’efforçait d’étendre la circulation métallique. Quoique la Banque restreigne ses escomptes et en élève le taux, sa réserve tombe à 4 millions. Aussitôt le crédit se contracte ; le money-market, le marché monétaire, présente les signes précurseurs des catastrophes. Le 14 novembre 1836, l’importante banque irlandaise, Agricultural and commercial Bank, tombe avec ses 30 succursales. On se rappelle les désastres de la terrible année 1825, et partout on demande le remboursement des billets aux banques provinciales. La Banque d’Angleterre vint au secours des plus menacées. En même temps elle repoussa à l’escompte les traites des maisons américaines qui lui soutiraient son encaisse. Il en résulta de mars à juillet 1837 d’importantes faillites parmi les maisons engagées dans le commerce avec les États-Unis. Comme la plupart des industries n’étaient point surchargées d’engagemens, les désastres s’arrêtèrent là. À l’automne, les affaires avaient repris leur marche accoutumée. En 1839 éclata une nouvelle crise financière, causée cette fois par les fluctuations du commerce international avec le continent. Pendant plus d’une année, c’est-à-dire depuis le milieu de 1838 jusqu’en novembre 1839, le change fut constamment contraire à l’Angleterre, ce qui signifie qu’il était avantageux d’exporter des métaux précieux de Londres vers le continent. Ce drainage ininterrompu du métal, qui finit par conduire la Banque à la veille d’une nouvelle suspension, était dû à différentes causes : l’importation d’une grande quantité de céréales à des prix élevés qui emportèrent environ 10 millions liv. st., — les besoins de numéraire de la Russie et de la Suède, qui firent venir beaucoup d’argent de Londres par la voie de Hambourg, — le bas prix des valeurs en France et en Belgique, suite de la crise de 1838, qui attira les capitaux anglais. On reproche aussi à la Banque d’avoir méconnu les nécessités du moment en laissant son escompte à 3 1/2 pour 100 jusqu’en mai, lorsque déjà la réserve était tombée à 5 millions. Elle descendit même un moment à 2 millions 1/2 contre une circulation en billets de 17 millions 1/2. La direction vit enfin l’abîme vers lequel elle marchait ; le taux de l’escompte fut porté de 5 à 6, et dans son effroi elle eut recours à des expédiens désespérés, indignes, a-t-on dit,