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expansion du crédit. De vastes entreprises de chemins de fer se fondent, qui exigent, pendant plusieurs années des versemens réguliers et considérables. Mauvaise récolte en 1846, importation de grains sans exportation correspondante de produits français, d’où écoulement rapide du numéraire. Du 1er juillet 1846 au 1er janvier 1847, l’encaisse de la Banque tombe de 252 millions à 80 ; au 15 janvier, il n’est plus que de 59 millions. Le taux de l’intérêt est porté de 4 à 5 pour 100 ; mais, plutôt que de restreindre ses escomptes, la Banque a recours aux expédiens : elle fait affiner l’argent de 15 millions de pièces démonétisées, elle obtient de la province 4 ou 5 millions, elle en emprunte 25 à des banquiers anglais et en accepte 50 de l’empereur de Russie en échange de rentes françaises qu’elle lui vend. Ces embarras financiers avaient traîné à leur suite leurs conséquences ordinaires : faillites, pertes, chômages, misères et ruines de toute sorte. Hambourg et l’Allemagne centrale, Francfort, le Wurtemberg, Bade, ressentirent aussi les effets de l’ouragan qui s’était abattu sur l’Angleterre et sur la France.

Si l’on compare les deux grandes crises de 1825 et de 1847, on voit aussitôt qu’elles sont déterminées l’une et l’autre par la même cause, l’exportation du numéraire, d’où résulte une contraction de l’instrument des échanges, constitué chez les peuples avancés à la fois de monnaie métallique et de monnaie de papier ; mais cette exportation, ce drainage, comme disent les Anglais, fut amené en 1825 par des placemens inconsidérés dans les emprunts et les mines de l’Amérique, tandis qu’en 1847, elle était due en grande partie aux conséquences d’une mauvaise récolte, de sorte que s’il faut attribuer, pour la première de ces crises, la faute entière à l’imprudence des hommes, on peut s’en prendre pour la seconde à l’inclémence des saisons et aux rigueurs de la nature. En 1825, la perturbation économique fut de plus courte durée : il n’y eut qu’une seule panique, mais elle occasionna plus de ravages. En 1847, le fléau sévit plus longtemps : il y eut deux paniques, une en avril et une en octobre ; les suites en furent toutefois moins désastreuses. La Banque, en 1825, ne fit rien pour conjurer le danger ; en 1847, elle prit quelques mesures tardives sans un meilleur résultat. Malgré ces différences, les commencemens, l’explosion et la terminaison de la tourmente financière présentent aux deux époques les mêmes caractères généraux.

Nous arrivons maintenant à la dernière crise dont nous ayons à parler, celle de 1857. Elle fut plus grave que la précédente, parce qu’elle s’étendit sur le monde entier. Ayant pris naissance en Amérique, le cyclone financier dévasta successivement l’Angleterre, la France, l’Allemagne, tout le nord de l’Europe, y compris les états Scandinaves, et le contre-coup s’en fit sentir jusqu’à l’autre côté de