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commencement de décembre, la réserve des banques de New-York s’éleva, à 26 millions de dollars, et qu’elles purent reprendre leurs paiemens en espèces. Au 1er janvier, toutes les banques de l’Union en avaient fait autant, sauf celles de Pensylvanie, à qui on accorda un délai jusqu’au 1er avril.

Le cyclone financier qui avait ravagé toute la surface de l’Union en octobre n’atteignit l’Angleterre qu’en novembre. On estime que les capitalistes anglais avaient placé 1 milliard 1/2 de francs dans les entreprises américaines, dans les chemins de fer principalement. La baisse de toutes les valeurs aux États-Unis les atteignit fortement ; mais cette circonstance n’amena point l’explosion de la crise, occasionnée plutôt par l’emploi excessif du crédit. D’immenses affaires, faites avec peu d’argent comptant et avec énormément d’avances accordées par les banques[1], voilà ce qui rendit la convulsion possible, ce qui en prépara les élémens. La cause déterminante fut, comme toujours, une contraction de l’intermédiaire des échanges. L’insurrection de l’Inde et les hostilités avec la Chine avaient exigé l’envoi de beaucoup de numéraire dans l’extrême Orient. En même temps les besoins de la place et la baisse des prix appelaient l’or à New-York. L’argent s’écoulait vers l’est[2], suivant son cours habituel, et l’or, par exception, refluait vers l’ouest. Un certain vide se fit ; l’encaisse de la Banque tomba à 9 millions au 17 octobre. L’escompte fut élevé à 7 pour 100, puis à 8 la semaine d’après. Cependant nul ne prévoyait encore la gravité de la situation, et le Times continuait à rassurer le public, quand tout à coup, le 27 octobre, l’importante banque de Liverpool suspendit ses paiemens. Ce fut comme un coup de tonnerre qui annonça le déchaînement de la tempête. Les faillites commencèrent à Liverpool et à Glasgow. Le 30 octobre, 50,000 livres sont enlevées par une banque d’Ecosse, 80,000 livres par les banques d’Irlande, et la compagnie des Indes fait un grand envoi d’argent vers l’Orient. L’encaisse métallique de la Banque d’Angleterre continue à baisser : il tombe à 6 millions 1/2. Le 5 novembre, l’escompte est porté à 9, et le 10 enfin au taux inconnu jusque-là de 10 pour 100. Dès lors la panique devient générale,- les prix sont écrasés ; marchandises et valeurs perdent 20 ou

  1. On a enregistré à ce sujet quelques faits vraiment incroyables. Ainsi la Wolverhampton-Bank avait avancé à deux maisons 40 millions de francs. La firm G… et Co avait en capital lui appartenant 250,000 francs : elle suspendit avec un passif de 14 millions. La firm B… était parvenue, grâce au crédit, à faire en trois ans pour 75 millions d’affaires avec un avoir de 200,000 francs. La maison M…, qui n’avait jamais eu 30,000 francs à elle, laissa un passif de 9 millions. Le chancelier de l’échiquier, sir Charles Wood, fit connaître au parlement que le Royal-Bank de Liverpool, avec un capital versé de 600,000 livres sterling, en prêta 500,000 à une seule maison.
  2. En 1857, l’Angleterre envoya dans l’extrême Orient une valeur de 419,882,000 fr. en argent.