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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/235

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time, c’est-à-dire 36 heures par semaine. La diminution forcée des salaires traîna après elle son triste cortège de misères : coalitions, émeutes, extension rapide du paupérisme. De septembre 1857 à février 1858, on compta 207 grandes faillites avec un passif d’environ 1 milliard 1/2. En Angleterre, beaucoup moins de maisons s’écroulèrent qu’en Amérique, mais relativement les pertes définitives furent plus grandes. Tandis que là-bas l’Union se releva bientôt avec toute la vigueur et l’élasticité de la jeunesse, comme un vaillant navire qui, la tempête passée, se redresse sur la vague et reprend sa course rapide, ici la mère-patrie, semblable à un puissant trois-ponts dont les lames ont emporté les agrès et fatigué la carène, ne se remit que lentement de la secousse qui avait ruiné son crédit et ébranlé ses industries. Pendant tout le printemps de 1858, le travail languit. Ce ne fut que vers la fin de l’année que les affaires reprirent leur activité accoutumée.

Après avoir ainsi dévasté l’Angleterre, la crise s’abattit sur le continent. La France, qui reçut le premier choc, résista admirablement. Son immense circulation métallique, la plus grande du monde, les allures prudentes du commerce, les usages des banques, qui ne favorisent point les crédits à long terme, telles sont les causes principales qui lui permirent de tenir tête à l’orage sans de trop grands désastres. Néanmoins l’encaisse métallique de la Banque diminua rapidement : à la fin de novembre, il était descendu à 73 millions pour 554 millions de billets[1]. Le taux de l’escompte à Paris fut porté successivement, comme à Londres, à 7 1/2 en octobre, à 8, 9 et enfin à 10 pour 100 en novembre. Jamais on ne l’avait vu aussi haut, car longtemps la Banque s’était fait un point d’honneur de le maintenir toujours au taux uniforme de 4 pour 100. Il y eut un moment de terreur. Quelques maisons fortement engagées avec l’Amérique succombèrent. Des adresses furent même envoyées d’Orléans et du Havre réclamant le cours forcé des billets. Beaucoup d’industries souffrirent, l’activité fut partout fortement déprimée ; mais il ne se produisit rien de comparable à ce qui s’était vu de l’autre côté du détroit. À la fin de décembre, l’encaisse s’étant relevé à 90 millions, l’escompte fut ramené à 5 pour 100.

L’Allemagne, Hambourg et les trois états Scandinaves furent bien plus maltraités. Hambourg est, comme on sait, l’un des principaux ports du monde. C’est par l’Elbe que se font en très grande partie les échanges de l’Europe centrale avec l’Angleterre, le Nord et les pays d’outre-mer. La valeur de ses exportations et de ses importations

  1. Les comptes-rendus de la Banque de France nous apprennent qu’en 1855, 1856 et 1857 elle acheta pour 1 milliard 377 millions de francs de lingots, pour lesquels elle dut payer 15 millions 893,000 francs de primes.