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cipes, appliqués avec habileté, l’ont au contraire en partie conjurée. On demande à grands cris une enquête sur la question des banques au nom d’un système d’affaires qui nous placeraient indéfiniment sous le coup de crises intermittentes. Tandis qu’une discussion véhémente, et qu’on ne peut plus abandonner avant qu’elle ne soit épuisée, s’engage ainsi sur une question sociale par excellence, la question de l’organisation du crédit, des débats plus pénibles peut-être s’élèvent à Paris entre les ouvriers et les entrepreneurs d’industrie sur la question des salaires et de la durée de la journée de travail. Par une coïncidence merveilleuse, un administrateur dont nous n’avons jamais méconnu la capacité personnelle, le préfet de la Seine, choisit ce moment pour faire une de ces démonstrations de franchise hardie qui ne nous déplaisent point, parce qu’elles font marcher les questions. M. Haussmann, lequel est en France, après l’état, le plus grand consommateur de capital, et, si l’on nous passait le barbarisme, le plus grand employeur de main-d’œuvre, l’homme qui par ses entreprises exerce en conséquence à Paris la plus grande influence sur les rapports du capital et du travail, déclare avec ostentation qu’il entend exécuter jusqu’au bout les entreprises conçues par sa seule initiative, sans demander jamais à l’élection les lumières et le contrôle des contribuables dont il gère les deniers, comme s’il ne se doutait point qu’au nom des intérêts généraux du crédit, au nom des ouvriers et des patrons, au nom des rapports du capital et de la main-d’œuvre, les contribuables parisiens pussent jamais avoir soit des conseils à donner, soit des freins à imposer à une administration qui s’est constituée entrepreneur de travaux publics sur une si gigantesque échelle. Ainsi à une époque où des questions si graves s’élèvent dans le domaine des intérêts économiques et dans l’ordre des intérêts sociaux, à une époque où plus que jamais, selon la logique des idées et des choses, la sphère de la liberté politique devrait s’élargir, on nie énergiquement le droit électoral sur certains points, on décourage la liberté électorale sur d’autres points, on tient systématiquement à l’écart la liberté de la presse. Telle est en raccourci la situation intérieure ; il suffit de l’exposer pour en faire ressortir la contradiction. Que deviendra cette contradiction en 1865 ? À qui la force des choses donnera-t-elle raison ? Est-ce au pouvoir ou à la liberté ?

Au dehors, nous sommes en présence de trois grands faits qui intéressent diversement la France : l’état dans lequel la fin de la question danoise a laissé l’Allemagne ; la situation de l’Italie et de la cour de Rome telle qu’elle résulte de la convention du 15 septembre, des derniers votes du parlement italien et de l’encyclique du pape ; la marche de la guerre civile aux États-Unis, et la prépondérance de plus en plus assurée de l’Union américaine depuis la réélection de M. Lincoln. Ici encore les faits se développent avec, plus ou moins de rapidité, conformément à une logique qu’il n’était point difficile de prévoir, et que nous avions, pour notre compte, pénétrée d’avance. Il était bien certain que l’abandon où on a laissé le Danemark