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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/322

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qui la rapprochèrent de plus en plus du monothéisme. Au culte d’une triade composé de Sviatovit, de Péroun et de Radegast avaient succédé, au VIe siècle après Jésus-Christ, des croyances plus épurées. Procope, en parlant des Slaves qui habitaient derrière les Karpathes, s’exprimait ainsi : « Ils adorent un dieu créateur de la foudre et seul maître de toutes choses ; ils lui immolent des bœufs et lui offrent toute sorte de sacrifices. Ils ne reconnaissent aucune espèce de destinée, et se refusent à lui accorder la moindre puissance sur le sort de l’homme. À l’approche de la mort, que ce soit pendant la maladie ou avant la bataille, ils font à leur dieu un vœu qu’ils remplissent fidèlement lorsqu’ils échappent au danger, parce qu’ils croient que c’est ce vœu qui les a sauvés ; mais ils adorent aussi les fleuves, les nymphes et une foule d’autres divinités auxquelles ils offrent des sacrifices, et ils rattachent à ces sacrifices des prédictions relatives à l’avenir. » Helmold, écrivain du XIIe siècle, disait des Slaves polabes ou Slaves du nord de l’Allemagne, dont le plus grand nombre a été anéanti par les Allemands : « Outre les divinités à formes nombreuses et diverses qu’ils font présider aux champs et aux forêts, aux tristesses et aux joies, ils croient à un dieu qui règne sur tous les autres dans le ciel, et qui, ne s’occupant, comme le plus puissant de tous, que des choses célestes, abandonne la direction de toutes les affaires aux autres dieux, qui lui sont subordonnés, qui sont issus de son sang, et dont chacun est d’autant plus considérable qu’il se trouve plus rapproché du dieu des dieux. »

Les poètes serbes tiennent peu à nous dissimuler le rôle secondaire qu’ils laissent au Dieu suprême, appelé dans un chant d’une façon médiocrement chrétienne « l’antique tueur, » et ils nous représentent avec la candeur du moyen âge le partage de l’univers, qu’ils nomment « partage des bénédictions. » Les saints qui « accourent au partage » sont « saint Pierre et saint Nicolas, saint Jean, saint Élie et saint Pantéléimon. » La Vierge, — la puissante Panaghia de la race pélasgique, — assiste à cet acte important dans une attitude soumise qui prouve assez que les Slaves n’ont jamais eu de culte analogue à l’adoration d’Athéné. « Les vignes, les blés et les clés du royaume du ciel » sont accordés à saint Pierre ; Élie prend « la foudre et les éclairs, » Pantéléimon « la chaleur qui mûrit ; » saint Jean, « le puissant saint Jean, » reçoit « le bois de la vraie croix » et le privilège de sanctionner « les liens de fraternité et d’adoption ; » saint Nicolas se réserve « les fleuves et les pâturages, » le royaume de Veles ou Volos, dieu des pasteurs. Il paraît que la Panaghia se résigne sans beaucoup de peine à une situation conforme au rôle subordonné de la femme serbe, car dans un banquet où, autour d’une table d’or, siègent les saints chacun selon