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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/456

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et en vain nié par une théorie incomplète. C’est ce fait qui avait frappé l’école mercantile et qui l’avait portée à conclure qu’une nation doit attirer et retenir dans la limite de ses frontières le plus de métaux précieux possible. C’était aller au-delà de la vérité, car une fois les besoins de la circulation satisfaits, le numéraire surabondant a pour unique effet d’amener la hausse des prix. À partir de ce moment, les économistes ont raison, toute accumulation nouvelle de métaux précieux est inutile au mouvement des affaires et à la production de la richesse : elle rend tout plus cher sans amener une baisse dans le taux de l’intérêt.

Il faut maintenant résumer en quelques mots les conclusions que l’étude des faits nous impose. Il est utile à toute nation d’être abondamment pourvue de la quantité de numéraire dont elle a besoin pour opérer ses échanges avec sécurité et facilité. Quand il y en a moins, il y a gêne, parce que, faute de véhicules monétaires, le mouvement des échanges est entravé ; quand il y en a plus, le numéraire qui n’est plus absorbé par la circulation fait hausser les prix d’abord, puis est exporté dans les pays où les prix sont restés bas. Toutefois, avant que ce fait se produise, le numéraire agit d’une manière utile, car, cherchant à se placer, il vient s’offrir sur le money-market et fait baisser le loyer de l’argent, qui est l’intérêt[1].


III

La discussion des effets produits par l’abondance et la rareté du numéraire nous permet d’aborder maintenant l’examen des mesures propres à prévenir les crises ou du moins à en pallier les funestes

  1. Si ces conclusions sont exactes, elles peuvent servir à discerner en quelle mesure est vraie la doctrine très répandue et soutenue en Angleterre, surtout par Hume et par M. Attwood, à savoir que l’accroissement de la quantité de numéraire favorise le développement de l’industrie, doctrine combattue par la grande majorité des économistes. Le numéraire encourage l’industrie aussi longtemps qu’il ne dépasse pas les besoins de la circulation, car l’abondance du numéraire facilite les échanges et les prêts, comme le grand nombre des wagons facilite les transports, et elle fait baisser l’intérêt sans faire hausser les prix ; au-delà de ces limites elle fait hausser les prix sans faire baisser l’intérêt. Il semble au premier abord qu’on pourrait combattre cette théorie par l’exemple de la Californie, où l’or est abondant et l’intérêt élevé ; mais en y réfléchissant on voit que cet exemple ne prouve rien. En Californie et en Australie, l’or est plutôt une marchandise qu’un intermédiaire des échanges, et l’abondance de l’or, en tant que marchandise, n’agit pas plus sur l’intérêt que l’abondance du fer ou du plomb. Ce qui fait baisser l’intérêt, c’est la quantité de numéraire s’offrant sur le marché monétaire, non celui qui s’exporte ou se thésaurise, et c’est précisément l’or des pays producteurs du métal qui s’exporte pour payer les importations. Enfin l’intérêt est élevé en Californie et dans toute l’Amérique, parce que les profits y sont considérables dans toutes les branches de la production. Tant qu’avec 100 francs on en pourra gagner annuellement 10 ou 12, jamais on ne les prêtera pour 2 ou 3.