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conséquences. On a vu que, pour qu’une véritable crise éclate dans un pays, il faut la réunion de trois circonstances : d’abord l’emploi du crédit sous toutes ses formes et porté à ce point qu’il réduise extrêmement l’usage de la monnaie métallique ; puis un vaste commerce qui de temps à autre, par un dérangement de la balance, nécessite l’exportation d’une grande quantité de numéraire à prendre sur une circulation qui en possède tout juste le nécessaire ; enfin un marché surchargé d’opérations à terme qui exigent le secours du crédit, et qui, le crédit se refusant ou se contractant, aboutissent à des pertes, à des désastres. Si les crises résultent de la concordance de ces trois circonstances, pour les prévenir il faudra évidemment empêcher que ces causes ne se représentent ; mais comment y parvenir ?

Le premier remède qui s’indique est de conserver une circulation métallique abondante. M. Fullarton, dans son remarquable essai sur le Règlement de la circulation, a parfaitement montré comment la France naguère encore échappait aux perturbations monétaires, grâce aux innombrables accumulations d’argent grandes et petites qui existaient chez tous les particuliers, depuis le paysan qui enfouissait ses écus dans un pot de fer jusqu’au banquier qui les conservait dans son coffre-fort. Quand l’exportation enlevait une certaine quantité de numéraire, une partie de ces petits trésors, attirée dans la circulation par une légère hausse d’intérêt, suffisait pour combler le vide, et c’est ainsi qu’on a vu la France, après les maux d’une double invasion, payer un demi-milliard aux puissances alliées en quelques mois, sans qu’on remarquât aucune gêne sensible dans la circulation. Depuis que l’argent ne s’enfouit plus, mais se place en titres d’emprunts publics ou en obligations de chemins de fer, et qu’en même temps la circulation fiduciaire s’élève à 800 ou 900 millions, le money-market français est devenu bien plus sensible aux contractions et aux fluctuations produites par le commerce extérieur. Afin de conserver une large circulation métallique, faudrait-il donc renoncer à l’emploi du crédit ou tout au moins à celui du billet de banque ? M. Wolowski fait un calcul très simple qui engagerait presque à recommander ce dernier parti, quelque extrême qu’il paraisse. L’emploi de 800 millions en billets, moyenne de l’émission tant en France qu’en Angleterre et aux États-Unis, procure une économie annuelle de 40 millions ; mais si les crises décennales occasionnent une perte d’un demi-milliard, estimation bien inférieure à la réalité, chacun de ces pays perd au moins 10 millions par an par l’usage de la monnaie de papier, bien à tort vantée comme la plus économique de toutes. Certes, si en renonçant au billet on était certain d’échapper aux crises, il ne faudrait pas hésiter à payer les 40 millions de primes que coûterait ce sacrifice