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par le même procédé qui permet de maintenir l’équilibre dans les échanges internationaux, la hausse de l’escompte. Un exemple récent va le démontrer. En 1863 comme en 1824, 1846 et 1856, on avait vu s’établir en Angleterre un très grand nombre de sociétés ; on en avait lancé à la Bourse de Londres deux cent soixante-trois avec un capital souscrit de 2 milliards 1/2, dont 1 milliard payable en 1864. Il n’y avait pas encore de quoi gêner sensiblement, en temps ordinaire, la circulation d’un pays dont l’épargne actuelle monte, suivant des calculs très bien faits, à environ 130 millions sterling ou plus de 3 milliards par an. L’élan toutefois était donné ; beaucoup d’autres sociétés allaient encore se constituer en 1864, et les appels de fonds, pesant sur un marché déjà gêné par la situation du commerce extérieur, pouvaient provoquer de graves perturbations. La hausse de l’intérêt a écarté le danger en entravant tout essor ultérieur de l’esprit d’entreprise et de spéculation, car les faiseurs de projets savent bien que les souscripteurs, qui abondent quand l’intérêt est à 2 ou 3 pour 100, se tiennent à l’écart quand l’escompte officiel est à 8 ou 9, parce qu’ils trouvent alors facilement un emploi très lucratif de leur argent. Si en 1864 la Banque d’Angleterre avait agi comme en 1825, maintenant l’escompte à bas prix malgré la fuite du numéraire, le change contraire et le développement de l’esprit d’entreprise, il est certain que le monde des affaires aurait eu à traverser de terribles épreuves et à enregistrer de nouvelles catastrophes.

Il est devenu possible, au point où nous a conduit cette étude, de résumer en deux mots toute la théorie des crises monétaires. Elles sont occasionnées par un dérangement dans la balance du commerce international, raréfiant le numéraire sur un marché où le crédit est largement employé et qui se trouve surchargé d’engagemens à terme. Dans l’état actuel de l’humanité, le seul moyen de les prévenir ou d’en diminuer la gravité est la hausse en temps opportun du taux de l’intérêt, qui agit comme une pompe sur le métal précieux qu’elle attire, et comme un frein sur la spéculation qu’elle entrave.

Les lois qui règlent les fluctuations de la circulation, encore mal comprises il y a vingt ans, sont maintenant assez connues pour qu’on puisse presque toujours signaler à l’avance les dangers qui menacent le money-market. Pour le prouver, nous citerons en terminant un exemple remarquable de ces utiles prévisions, qui viendra confirmer l’exactitude de la théorie que l’on a exposée. Le 2 janvier 1864, l’organe du commerce anglais l’Economist publiait un article où il, indiquait les vicissitudes qu’aurait à subir le marché monétaire pendant l’année qui s’ouvrait, et ses prédictions