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lions, mais sera successivement atténuée par le recouvrement de diverses sommes provenant du solde de l’emprunt, qui est de 15 millions, de la perception de 50 millions des droits en retard sur les sucres, de 54 millions à réaliser sur les rentes mexicaines, et d’articles divers s’élevant à 30 millions. En somme, les découverts et la dette flottante sont ramenés à un chiffre qui, s’il est maintenu, ne saurait donner d’inquiétude. Les prévisions des budgets permettent de compter que ce chiffre ne sera point dépassé. M. Fould obtient en effet sur les exercices 1864 et 1865 des économies qui sont reportées au budget extraordinaire de 1866, et il espère augmenter notablement ces économies, grâce à la diminution successive des dépenses extraordinaires de la marine et de la guerre, qui sont encore comptées pour 65 millions au budget rectificatif de 1865. Cette perspective de la diminution des dépenses militaires et maritimes est la partie du rapport de M. Fould qui a été accueillie avec le plus de faveur. Les esprits sages ont vu aussi avec plaisir que les projets d’un emprunt applicable aux travaux publics dont il avait été question dans ces derniers temps sont tout à fait écartés. Si les prévisions du rapport sont maintenues, nous ne ferons que rentrer en 1866 dans une situation financière régulière ; c’est bien le moins qu’on donne à nos finances le temps de respirer dans une situation semblable. Il serait si sage et, ce nous semble, si commode, au lieu d’embarrasser maladroitement le présent et l’avenir par des anticipations continuelles, de laisser jouer pendant quelque temps l’élasticité des revenus publics, et de commencer des expériences financières reproductives avec des excédans de recette réalisés et des résultats acquis, en marchant de pied ferme sur un terrain solide. C’est cette sagesse de conduite qui fait la prospérité des finances anglaises. L’année dernière, M. Gladstone a pu employer à des réductions de taxes un excédant de recettes de près de 80 millions de francs. Or il se trouve que, malgré cette réduction d’impôts, l’accroissement du revenu laissera encore cette année à M. Gladstone la disposition d’un excédant non moins considérable qu’il pourra appliquer à de nouvelles expériences sur la taxation. Certes nous n’en sommes point là encore ; mais, pour atteindre à cette solidité financière qui est pour un pays la meilleure garantie de la liberté d’action politique, que manque-t-il à la France ? Ce n’est certes point la fécondité des ressources, c’est tout simplement la patience dans le pouvoir de rester deux ans sans escompter l’avenir.

Le conseil de régence de la Banque de France a dignement répondu aux violentes attaques dirigées contre ses principes économiques en demandant à l’empereur une enquête sincère et complète sur les causes des perturbations du crédit et des crises commerciales. La dernière crise a sévi avec une bien plus grande rigueur en Angleterre qu’en France. Cependant le Times s’applaudissait naguère d’un fait remarquable, c’est que la conduite de la Banque d’Angleterre dans la fixation du taux de l’intérêt n’avait soulevé au sein du commerce anglais aucune protestation, aucune plainte.