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LE
POSITIVISME
À PROPOS D’UN LIVRE DE M. LITTRÉ.

I.
LES CAUSES DU POSITIVISME.

Vous pouvez définir en deux mots le positivisme : c’est la science affirmant qu’elle suffit à l’homme, quand elle fait profession de ne connaître que la matière, les propriétés de la matière, les lois de la matière. Tout à l’heure on montrera comment ceci n’est pas le pur matérialisme. Quoi qu’il en soit, pour premier effet de cette affirmation, vous voyez disparaître de l’esprit humain la religion et la philosophie, ces glorieuses conjectures dont l’objet, tout immatériel, n’est pas moins que notre origine, notre spiritualité, notre survivance aux organes qui constituent la vie actuelle et apparente. Ces aperçus, le philosophe positif les traite de spéculation excessive, de méthode vicieuse, et pour ce méfait il renvoie philosophie et religion aux premiers âges du monde, comme un début informe, comme un exercice puéril et véniel de l’humanité naissante.

La science n’est pas d’hier. Pourquoi donc est-ce aujourd’hui seulement qu’elle a pris cette arrogance de régner seule sur l’esprit humain, de le remplir et de l’assouvir tout entier, d’en exclure tout ce qui n’est pas elle, et qui en était un certain aliment, une quête habituelle? Il faut que quelque chose soit arrivé à la science