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LES
KURDES DE L’HAÏMANEH

À neuf heures de chemin vers le sud-ouest d’Angora, l’ancienne Ancyre, tout près du petit village d’Hoiadja, se creuse dans ce vaste plateau que l’on appelle l’Haïmanch, et qui s’étend vers Afioun-Kara-Hissar et Konieh, une gorge assez profonde. Il y a là comme un défilé que traverse un sentier très fréquenté. C’est par là que devait passer autrefois la route qui d’Ancyre menait à Gordium et à Pessinunte. Au-dessus de la gorge se dresse une antique forteresse ruinée que j’ai été le premier voyageur européen à visiter. Les paysans des environs l’appellent Ghiaour-Kalé-Si (la forteresse des infidèles). Elle occupe le sommet d’un haut mamelon qui domine le chemin. Une double muraille cyclopéenne, en gros blocs formant .des assises irrégulières assemblées sans ciment, défend le petit plateau qui termine la colline : l’une en borde la crête ; l’autre, à 40 mètres environ au-dessous de la première, servait d’ouvrage avancé du côté qui regarde la vallée et qui descend vers la route. C’était la première construction de ce genre que j’eusse encore rencontrée en Asie-Mineure.

Mais ce qui, bien plus que ces murailles, fait l’intérêt de ces ruines, ce qui leur imprime un cachet d’antiquité reculée et d’étrange originalité, ce sont deux grandes figures, hautes d’environ 3 mètres, sculptées dans le rocher, à gauche de l’entrée de la forteresse. Ce sont deux guerriers coiffés d’une tiare, ou d’un casque en forme de tiare surmonté de l’uréus. Tous les deux sont dans la même position, debout, la main droite étendue vers l’occident. Le bras gauche, replié devant la poitrine, semble tenir quelque chose ; quoi ? c’est ce que je n’ai pu distinguer. Le costume se compose d’une tu-