Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/693

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

circulation fiduciaire ou danger de crises partielles qui ne tardent pas à se transformer en crises générales, telle est l’alternative dont l’histoire des États-Unis et de l’ancien système anglais, aboli en 1844, ne fournit que trop d’exemples.

La Banque de France fait profiter le pays tout entier des ressources qu’elle accumule et de la confiance qu’elle inspire. Elle rayonne au moyen de ses succursales, et fait participer de plus en plus les diverses régions du territoire au bénéfice d’un escompte bien conduit, largement dispensé, en procurant partout l’avantage d’un taux uniforme d’intérêt, maintenu aussi bas que le permet la situation générale. Si l’on fractionnait l’émission, il faudrait augmenter d’une manière permanente, et dans une forte proportion, les réserves métalliques; aujourd’hui une impulsion commune permet, grâce au télégraphe et aux chemins de fer, de faire correspondre partout les ressources aux besoins, en déversant instantanément sur les caisses qui s’épuisent le trop plein de celles où le numéraire surabonde.

Avant 1848, on l’a constaté, la circulation réunie des banques départementales était loin d’arriver à 100 millions, et ce maigre avantage a plus d’une fois provoqué des embarras sérieux auxquels l’assistance de la Banque de France a dû pourvoir. L’économie réalisée sur la circulation métallique du pays était presque nulle, puisque, comme nous l’avons montré, l’encaisse de la Banque de France égalait d’ordinaire, quand il ne le dépassait pas, le montant des billets. C’est à cette condition et en présence d’un portefeuille très exigu que l’escompte avait pu être maintenu au taux fixe de 4 pour 100. Il ne faut pas argumenter de ce résultat alors que tous les élémens dont il était l’expression ont complètement changé.

Le privilège fractionné par région serait moins périlleux que la concurrence d’établissemens qui fonctionneraient dans la même circonscription, et le danger serait extrême, si l’on mettait en présence deux institutions destinées à se combattre et à s’entre-détruire. Jamais une pareille faute n’a été commise chez nos voisins : la Banque d’Angleterre a toujours été armée du privilège de l’émission à Londres et dans un certain rayon en dehors de la capitale. Elle n’a eu à soutenir que la concurrence de banques privées, qui ne pouvaient compter au-delà de six associés, et celle des banques à fonds réunis (joint-stock-banks) au-delà d’un rayon de 65 milles (26 lieues) en dehors de Londres. Les country-banks, ainsi limitées, ont cependant été la cause de sérieuses perturbations. Il n’en pouvait guère être autrement. Quand l’émission obéit à une impulsion unique, la Banque peut et doit, en présence de la baisse du change, empêcher le départ du numéraire en élevant le taux de l’escompte.