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Si plusieurs banques d’émission sont en présence, quelle est celle qui donnera le signal? N’est-il pas à craindre qu’à mesure que l’une d’elles voudra user de prudence, les autres ne profitent de cette contraction partielle pour augmenter leurs bénéfices en étendant leurs affaires? Ces courans opposés, qu’il est impossible d’éviter sous un régime de concurrence sérieuse, ont été l’un des motifs de l’act de 1844. En posant une digue à de pareilles manœuvres et en limitant l’émission des billets, cette loi a prévenu d’une manière décisive tout retour possible au cours forcé. Elle a préservé de cette rude épreuve la mesure de la valeur et la stabilité des contrats; le but de sir Robert Peel a été complètement atteint de ce côté.

Pourquoi demande-t-on la liberté de l’émission? On prétend atteindre ainsi le but principal des banques, qui est l’abaissement du taux de l’intérêt. Ici encore il règne une étrange confusion entre l’office naturel des banques et la création de billets faisant service de monnaie. Les banques arrivent à réduire l’intérêt en vivifiant les capitaux disponibles, en facilitant l’épargne, en agglomérant les réserves et en les mettant en contact avec la demande destinée à les faire fructifier. Telle a été la principale fonction remplie par les banques d’Ecosse, tel est encore le puissant levier des joint-stock-banks, des banques de dépôt d’Angleterre, qui exercent une action si utile sur la production et sur la circulation des richesses, sans frapper de monnaie fiduciaire. Au lieu de s’en tenir à cette réalité féconde, des esprits aventureux prétendent créer des capitaux fictifs qui, ne coûtant rien, s’offriraient à bon marché. Il nous est permis de le dire, cette ressource se réduit partout à peu de chose; en admettant qu’elle soit l’équivalent d’un capital nouveau, il ne s’agirait que des espèces économisées sur le mécanisme des échanges au moyen de papier non représenté par la réserve métallique. Déduction faite de l’encaisse, c’est en tout un demi-milliard, aussi bien pour la France que pour l’Angleterre; mais, dit-on, ce demi-milliard ne coûte que les frais de fabrication : les banques peuvent donc le prêter à prix réduit, tout en réalisant un beau bénéfice; elles forcent ainsi tous les capitaux à diminuer leurs exigences. C’est là une conséquence qui se produit d’elle-même dans la mesure convenable (car les banques ont intérêt à étendre l’émission) par la facilité et le bas prix de l’escompte : celui-ci ne constitue en leur faveur aucun privilège. Avec les ressources dont elle dispose et l’immense mouvement d’affaires qu’elle provoque, la Banque de France est loin d’accomplir le dixième des transactions de prêt et d’emprunt réalisées chaque année dans le pays. Elle ne peut jamais hausser l’intérêt au-delà du taux qui résulte de l’offre et de la demande, car elle rencontre à côté d’elle la concur-