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rence active des capitaux. Elle opère constamment dans le sens d’une baisse de loyer : l’effet qu’elle produit s’étend de proche en proche sur la masse des ressources disponibles ; mais il se répartit nécessairement en proportion de cette masse même. Si la Banque voulait aller au-delà, si elle prétendait peser sur le capital de manière à trop diminuer le profit, le capital irait là où il pourrait recueillir un profit supérieur; une baisse artificielle de l’escompte, loin d’aider la production, lui porterait préjudice. Elle ne profiterait qu’au petit nombre et nuirait à tous. Les banques sont forcément limitées dans leur action; ceux qui leur attribuent le merveilleux pouvoir de fabriquer du capital ne sauraient prétendre qu’elles le fabriqueront sur métier continu. Aussi ont-ils trouvé un singulier moyen pour concilier la limitation de l’offre avec l’empressement de la demande. La Banque ne devrait, étant obligée de faire un choix, admettre au bénéfice de l’escompte à prix réduit que les grandes maisons qui font le commerce de l’argent; elle a tort, ajoute-t-on, de traiter avec le commerce secondaire. Que diront de ce programme nouveau les négocians qui se plaignent aujourd’hui? Il nous semble que le commerce trouvera mieux son compte à la manière libérale dont la Banque use du crédit, alors qu’elle admet jusqu’à des lettres de change de 20 et de 30 francs, et qu’elle porte, comme en 1864, la somme des escomptes au chiffre colossal de 6,550 millions, en écartant à peine un centième des demandes qui lui sont adressées. Faire de l’escompte à un taux de faveur en s’éloignant des conditions naturelles du marché, c’est arriver à n’agir qu’au profit d’un cercle restreint de favorisés, c’est violer les lois de l’économie aussi bien que les préceptes de l’équité.

Quand la Banque peut-elle et quand doit-elle élever l’intérêt? C’est lorsque la concurrence des capitaux s’affaiblit ou se retire, lorsqu’en présence de caisses qui se ferment et d’exigences qui grandissent, elle voit augmenter aussi le nombre de ses cliens en même temps que le numéraire s’écoule de plus en plus de ses caves, attiré au dehors sous l’influence du change. Ce sont là des circonstances qui coïncident fatalement. Que le numéraire se porte ailleurs, poussé par l’attrait du bénéfice, ce qui est le fait habituel, ou bien qu’il serve à combler les besoins nouveaux causés sur le marché intérieur par la contraction du crédit et par l’inquiétude qui fait accroître la réserve métallique des particuliers, le résultat est le même; on le verra se manifester avec une persistance fatale, tant que les motifs qui l’ont provoqué ne cesseront point d’agir. — Des faits invariables se produisent : le métal, chassé de la circulation par les billets, commence par affluer dans les caisses de la Banque, il s’y accumule; les escomptes augmentent, le change sur l’étranger s’altère, et la réserve agglomérée s’écoule au dehors.