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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/789

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incomplète, l’arbre ne tarde pas à languir; son écorce, que ne renouvelle plus une sève insuffisante, se détache et tombe, signe précurseur d’une mort prochaine, souvent hâtée encore par des chocs, des secousses ou d’autres accidens inévitables au milieu d’une circulation incessante. Tels sont les obstacles qu’il s’agit de vaincre pour orner les voies publiques des arbres destinés à les ombrager. Avant que le gaz et le macadam exerçassent leurs ravages, la difficulté était beaucoup moindre, puisque les principales causes de mort n’existaient pas. Aussi les plantations faites à cette époque ont-elles beaucoup mieux réussi que celles de création plus récente ; mais les nombreux mécomptes survenus depuis dix ou douze ans ont forcé l’administration de la ville de Paris à tenter tous les moyens pour combattre les influences contraires d’un milieu aussi défavorable.

Le premier qu’on essaya fut de planter des sujets tout venus. On y trouvait un double avantage : d’abord ces arbres donnaient immédiatement de l’ombrage et répondaient dès le début à l’objet qu’on avait en vue; ensuite ils étaient d’une reprise plus certaine, puisqu’on avait le soin en les plantant de conserver autour de leurs racines la motte de terre où elles s’étaient développées. Tout le monde a vu circuler dans les rues de Paris ces arbres, de 10 mètres de haut et de 50 centimètres de tour, qu’on transporte avec leur motte de terre sur les lieux où l’on a préparé à l’avance et pourvu de terre végétale les trous destinés à les recevoir[1]. Bien des personnes sans doute ont peine à comprendre qu’une pareille opération puisse être suivie de succès : c’est cependant le cas le plus ordinaire, grâce à l’habileté des ouvriers employés et aux soins qu’on prend pour éviter toute secousse pendant le trajet ; mais elle coûte fort cher, car on ne peut guère évaluer à moins de 200 francs le prix de revient d’un arbre ainsi mis en place, en y comprenant les travaux de terrassement, la fourniture de terre végétale, l’achat des grilles, tuteurs et corsets, etc. Aussi préfère-t-on en général planter aujourd’hui des arbres plus jeunes et plus faciles à manier, dont le prix est beaucoup moindre.

L’arbre une fois planté, il faut en assurer la végétation. On avait pensé d’abord que, pour permettre à l’air et à l’eau de pénétrer jusqu’aux racines, il suffisait de ménager un petit espace circulaire autour de la tige sans le

  1. Cette opération exige un atelier de déplantation et un atelier de replantation. Pour déplanter, on fait autour de l’arbre une tranchée circulaire d’environ 50 centimètres de large au moyen d’une pioche à manche court dont le pic est transformé pour servir à tailler les racines qui s’étendent au-delà de la motte qu’on veut enlever. On glisse ensuite sous celle-ci deux planches courtes, mais épaisses, et on l’entoure de branches de troëne reliées par des cordes pour empêcher la terre de se désagréger. Cela fait, on amène un chariot spécial dont on détache l’arrière-train afin de le placer au-dessus de la motte à extraire; puis, au moyen de deux treuils, on soulève celle-ci pendant que trois hommes maintiennent la tige avec des haubans. La replantation se fait à peu près de la même manière. Voyez sur ce sujet les Annales forestières de janvier 1860.