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rôle à remplir. Les racines puisent dans le sol, par l’intermédiaire des spongiotes , l’eau, les substances inorganiques qui y sont dissoutes et les matières azotées qui entrent dans la composition des tissus végétaux. Sous l’influence de la chaleur et de l’oxygène de l’air, ces divers corps se combinent avec la fécule contenue dans les racines et produisent des liquides sucrés qui, par l’effet de l’endosmose, pénètrent de proche en proche dans la tige, et s’élèvent jusqu’aux branches en s’infiltrant à travers les fibres du bois. C’est ce qu’on appelle la sève ascendante; elle se répand dans les rameaux, fournit aux bourgeons les principes nutritifs dont ils ont besoin pour se développer et provoque la formation des feuilles. Celles-ci sont de véritables organes respiratoires : par de petites ouvertures appelées stomates situées à la partie inférieure, elles laissent s’évaporer une partie de la sève qui se trouve bientôt remplacée, et, agissant ainsi comme une pompe aspirante, elles facilitent le mouvement ascensionnel de ce liquide. En même temps elles décomposent l’acide carbonique de l’air en rejetant l’oxygène et en absorbant le carbone. Ce dernier se combine avec l’eau contenue dans les feuilles, forme de la fécule et de la cellulose qui, suivant une marche inverse de la sève ascendante, descendent vers les racines en ajoutant entre l’écorce et le bois une nouvelle couche de ligneux. Quand arrivent les premiers froids, l’épiderme des feuilles s’épaissit, leurs stomates se bouchent, la circulation de la sève s’arrête, la feuille cesse de vivre, et la fécule indécomposée reste dans les cellules ligneuses pour fournir l’année suivante les élémens nutritifs nécessaires à la formation de nouvelles feuilles et de nouveaux bourgeons. Ainsi la végétation n’est possible qu’à deux conditions : c’est d’abord que l’eau et l’air nécessaires à la décomposition de la fécule et à la production de la sève ascendante aient accès jusqu’aux racines; c’est ensuite que les stomates des feuilles ne soient obstruées par aucun corps étranger qui arrête la transpiration et empêche l’absorption de l’acide carbonique. Voyons comment ces conditions sont remplies pour les plantations de Paris.

Le sol qui reçoit ces plantations, formé des remblais et des plâtras que les siècles ont accumulés sur l’emplacement de la capitale, déjà rendu presque imperméable par le tassement, est en outre presque partout recouvert d’une couche de bitume qui empêche l’air extérieur et l’eau de pluie d’y pénétrer. Sillonné de conduites de gaz qui laissent, quoi qu’on fasse, échapper sans cesse des émanations délétères, il s’imprègne d’hydrogène carboné qui devient pour les racines de l’arbre un véritable toxique. Les feuilles ne sont pas mieux partagées. Incessamment exposées à la poussière du macadam, elles se couvrent bientôt d’une couche noirâtre que les pluies elles-mêmes ne parviennent pas à enlever, et qui, bouchant leurs stomates, en arrêtent les fonctions; elles se dessèchent à peine épanouies et tombent alors que la campagne est encore parée d’une végétation luxuriante. Ne pouvant se nourrir et respirer que d’une manière