Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/814

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, et presque jamais avant une promesse mutuelle de mariage. En général, si l’amant osait se permettre la moindre liberté, la fiancée s’élancerait du lit avec la rapidité de l’éclair, et, comme l’éclair aussi, lui laisserait sur le visage quelque trace de courroux. Quoi qu’il en soit, il faut être sur la réserve avec les filles du pays de Galles. Un touriste anglais me racontait avoir été par hasard témoin des rendez-vous nocturnes d’une domestique de ferme avec un jeune laboureur des environs. Il eut l’imprudence d’en parler à la servante, en lui disant qu’il l’avait vue dans le lit avec son amant. Elle s’indigna, devint pourpre de honte, et faillit lui faire un mauvais parti. L’erreur s’expliqua enfin à l’avantage de la jeune fille : elle était sur le lit, et non dans le lit[1].

La moralité du bundling est dans le mariage, qui le couronne presque toujours. Ce mariage lui-même se célèbre selon certaines coutumes locales. Dans les districts agricoles, dès que le jour de la noce est fixé, le jeune couple fait imprimer de petits billets (hand-bills), qu’on distribue parmi le cercle des connaissances. On y annonce l’intention de faire un bidding, c’est-à-dire une collecte d’argent pour laquelle tous les amis sont invités à ouvrir leur bourse[2]. Le nombre de ceux qui répondent à cet appel varie naturellement suivant la condition des fiancés; la réunion s’élève quelquefois à cent ou deux cents personnes des deux sexes et de tous les âges. Si le jeune homme et la jeune fille demeurent à quelque distance l’un de l’autre, les deux parties se mettent en marche le matin de bonne heure, précédées par un ménétrier. On convient d’ordinaire de se rencontrer à mi-chemin en un lieu fixé d’avance. Là les deux bandes joyeuses se confondent, et le cortège se dirige aussitôt vers l’église. Sur le chemin de l’église, la coutume dans certains villages veut que les garçons, cachés derrière des arbres ou des haies, déchargent des armes à feu en manière de salut, à la grande consternation des femmes et au grand amusement des jeunes hommes. Après la cérémonie nuptiale, on se

  1. Le mot welshe est caru-ar-y-gwely, qui a été traduit à tort en anglais par courting in bed (courtiser dans le lit); ce devrait être courting on the bed (courtiser sur le lit). Aux yeux des habitans du pays de Galles, la différence est grande.
  2. La forme de ces lettres de faire part est presque toujours la même à quelques variantes près. En voici une qui nous est tombée sous la main. « Comme nous avons l’intention de nous marier, nos amis et connaissances nous engagent à faire le 28 juillet 1864, dans la maison du père de la fiancée, appelée ***, dans la paroisse de ***, comté de Carmarthen, un bidding, pour lequel le plaisir de votre bonne et agréable compagnie est humblement sollicité. Quelque don qu’il vous plaira d’offrir sera reçu avec reconnaissance, et lorsque vous nous appellerez plus tard, pour une occasion semblable, vous pouvez compter d’avance sur vos obéissans serviteurs. » Suivent les noms des deux fiancés.