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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/815

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rend à la maison du père de la mariée, et l’on prend une collation pour laquelle chacun paie son écot. C’est aussi là qu’on dépose les offrandes. Le montant de la collecte peut s’élever en moyenne de 40 liv. sterl. (1,000 fr.) à 100 liv. sterl. (2,500 fr.). Cet argent, qu’on y prenne garde, n’est point un don, c’est un prêt : il n’a donc rien d’humiliant. Le nouveau couple s’engage sur l’honneur à payer les dettes qu’il aura ainsi contractées, je veux dire à rendre, au fur et à mesure que d’autres biddings se présenteront, les sommes qu’il aura reçues de chacun des invités. Plusieurs de ceux qui contribuent de leur bourse à cette œuvre de bienveillance sont mariés, et n’ont par conséquent rien à réclamer pour eux-mêmes; mais ils ont le droit de demander un jour le même service en faveur d’un de leurs enfans. Il n’y a guère que les célibataires obstinés qui, dans cette circonstance, placent leur argent à fonds perdus. Qui ne voit tout d’abord les avantages d’une telle coutume? Elle resserre les liens de fraternité entre les membres de la famille agricole, puisque tout nouveau couple se trouve en quelque sorte doté par ses pairs. Cette avance de fonds permet en outre aux jeunes mariés de commencer, comme on dit, la vie à deux sans que la lune de miel soit empoisonnée par l’amertume des embarras pécuniaires.

Centre d’une contrée agricole, Carmarthen s’élève, comme un îlot de maisons, au milieu d’un océan de verdure. Le paysage qui l’entoure, et que bornent à l’horizon de hautes collines, a un caractère de fraîcheur, d’étendue et de placidité qui repose l’âme. La terrasse qui domine le cours de la rivière laisse apparaître entre les arbres des maisons blanches. Le goût des Welshes pour le badigeonnage est extraordinaire. Dans les fermes, l’étable à cochons, les murs du jardin, même les pierres et les quartiers de roche qui ont le malheur de se trouver dans le voisinage de la maison, n’échappent point à ce baptême du lait de chaux. Il y a mieux encore : non contens de peindre les murs extérieurs de leurs cottages, ils blanchissent souvent jusqu’aux toits d’ardoise. Cette dernière habitude est déplorable et gâte l’aspect des villages. Les Anglais, — qu’il ne faut pas toujours croire sur parole quand il s’agit de la race celtique, — prétendent en outre que ces maisons ont le tort d’être des sépulcres blanchis, et que l’intérieur ne répond nullement à la propreté menteuse des dehors. Sans avoir le temps de constater tout ce qu’il y a de vrai dans ce reproche, je descendis vers la rivière Toway, qui, en aval de la ville, coule au milieu de charmantes prairies. Là, je rencontrai un pêcheur assis dans un petit bateau d’une forme ovale, que les Welshes appellent cwrwgl et les Anglais coracle. Cette espèce de nacelle remonte à une haute antiquité, et demeure dans le pays de Galles comme un monument primitif de