Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous, il est vrai, sont nés dans le pays, et il faut qu’il en soit ainsi, car apprendre le welshe passe pour une entreprise herculéenne. On considère comme un tour de force extraordinaire l’exemple donné par l’évêque de Saint-David, un des hommes éminens de l’église anglicane, qui, après une année d’études, fut capable de s’exprimer couramment devant une assemblée de Gallois. Sans aspirer au même succès, j’étais curieux de connaître les principaux caractères de cette langue, et je voulus lire quelques-unes des grammaires qui se publient en anglais dans l’ancienne Cambrie[1]. Un des traits qui me frappèrent le plus dans la construction des verbes est l’absence du présent de l’indicatif. Après tout, le présent existe-t-il? Les Welshes se servent d’un temps composé pour désigner ce moment insaisissable entre le passé et l’avenir. Quoi qu’il en soit, leur dialecte compte de zélés défenseurs. Un lettré qui mourut à Londres en 1852 a fondé à Llandovery une institution pour l’enseignement de la langue welshe. La même ville a vu naître dans ses murs le révérend Rhys Prichiard, auteur de deux poèmes intitulés, l’un le Livre du Vicaire, et l’autre la Chandelle du Welshe, écrits tous les deux dans l’idiome primitif, et qui se rencontrent sous presque tous les toits de chaume du pays de Galles.

Le plus grand service qu’aient rendu jusqu’ici les eisteddfodau a été d’appeler l’attention sur d’anciens manuscrits, des airs nationaux et des traditions orales qui, sans le concours de ces congrès de bardes, fussent certainement tombés dans l’oubli. Ce mouvement fut soutenu en outre par l’influence de riches sociétés littéraires et par quelques efforts individuels. Des manuscrits précieux dormaient depuis des siècles, enfouis dans la bibliothèque des collèges ou de certaines familles nobles du pays, lorsqu’un marchand de fourrures dans Thames-street, Owen Jones, fit appel au patriotisme des Welshes, et à partir de 1801 éleva un monument à la littérature des anciens Bretons. Ce monument, — the Myvyrian Archaiology of Wales, en trois gros volumes, — embrasse diverses périodes de l’histoire des Gallois, depuis l’an 500 jusqu’en 1400. Il était bien temps qu’on mît la main à l’œuvre, car, selon Owen Jones lui-même, un nombre de manuscrits égal pour le moins à celui qui existait de son vivant avait déjà péri depuis les deux derniers siècles par négligence. Dans cette grande tâche, à laquelle il consacra son temps et, assure-t-on, plus de 1,000 livres sterling (25,000 francs), il fut aidé par Edouard Williams et par quelques autres collaborateurs. Il mourut, laissant la matière de huit autres volumes qu’il se

  1. Voyez entre autres Grammar of the welsh language, by William Spurrell. Carmarthen.