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Qu’une veine de métal passant sous des prairies, des champs cultivés, vienne à être découverte, et pourvu que cette veine soit riche, voilà toute une région bouleversée. Le sous-sol exerce une réaction puissante non-seulement sur les travaux qui s’exécutent à la surface du terrain, mais encore sur les mœurs et le caractère des populations locales. C’est l’histoire de ce qui est arrivé dans la vallée de la rivière Taff. La découverte du fer, non contente d’altérer les traits du paysage, a changé un peuple de laboureurs en un peuple d’ouvriers.

On a dit que le sol inégal et onduleux du pays de Galles ressemblait à une mer orageuse. Dans ce cas, les collines du sud, comparées aux montagnes du nord, représentent assez bien le lendemain de la tempête, c’est-à-dire le moment où les vents commencent à se calmer et où les grosses vagues s’affaissent les unes sur les autres pour se relever en bondissant. Ces collines ont pourtant encore des airs de fierté. Quelques-unes sont assez hautes et assez perpendiculaires pour donner lieu, dans certaines saisons, à de véritables avalanches. Un constable vivait avec sa famille dans le district qui s’étend entre Merthyr Tydvil et Tredegar; sa maison, perchée sur le versant d’une colline abrupte, faisait partie d’une rangée de cottages isolés au milieu des précipices. En 1863, un orage éclata, suivi de torrens de pluie. Le constable, nommé Lewis, se disant que l’averse pourrait bien inonder l’égout qui se trouvait à côté de sa maison, sortit et se mit bravement à l’ouvrage pour nettoyer le ruisseau. Tout à coup il s’arrêta saisi de stupeur : un rugissement pareil à celui d’un tremblement de terre se fit entendre, et le bruit se rapprochait de moment en moment. Ayant recouvré sa présence d’esprit, il alla voir ce qui se passait. Un torrent se précipitait de la montagne contre la porte de derrière, back-door, de sa maison. Il courut pour avertir sa femme et ses enfans du danger qui les menaçait; mais à peine avait-il fait quelques pas qu’il fut renversé par un déluge d’eau, d’argile et de cailloux. Il parvint à se relever, et, faisant un détour, s’élança vers la façade du cottage. Cependant la porte de derrière avait été forcée par le torrent, et avant que la femme de Lewis pût se sauver, le rez-de-chaussée venait d’être envahi par une avalanche de pierres qui bloquaient la porte de devant. Elle essaya, dans son trouble, d’ouvrir au moins la porte de l’escalier et de se réfugier vers l’étage supérieur; mais cette issue elle-même était obstruée. L’eau montait alors jusqu’à son épaule. La malheureuse femme portait un de ses enfans sur le cou, tandis que l’autre avait réussi à grimper entre ses bras qu’elle élevait audessus du torrent. Armé d’une hache, Lewis enfonça la porte; mais ce fut à grand’peine qu’il put sauver sa femme et ses enfans, tant ils