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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/836

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chies à la chaux; je n’assurerai point qu’elles en soient pour cela plus belles ni plus respectables sous leur linceul à la détrempe; mais après tout qui blâmerait l’intention? A Merthyr, ville d’industrie et de travail, on a moins le temps de s’occuper des morts. Le cortège marchait d’un pas pressé, comme s’il avait eu hâte de rendre à la terre le fardeau qu’elle réclamait. La nuit était venue; mécontent de la ville à cause de sa misère, du temps qui continuait d’être affreux, de moi-même qui n’avais point encore atteint le but de mon voyage, j’étais couché depuis quelques heures déjà lorsque je me sentis réveillé en sursaut par un éclat d’incendie. Je courus à ma fenêtre, vis le ciel rouge comme s’il eût été enflammé par une aurore boréale. J’étais sur le point de crier : au feu ! mais comme personne ne bougeait dans l’hôtel et que tout était tranquille dans le voisinage, je me rassurai, et bientôt je me souvins que je vivais cette nuit-là dans le pays des forges. La lueur sanglante qui empourprait les ténèbres était en effet une réverbération des iron-works.

Le lendemain était un beau jour pour Merthyr Tydvil. Il n’avait plu que deux fois dans la matinée. Je profitai de cette éclaircie pour me rendre aux usines. Il y en a quatre principales qui portent les noms de Cyfarthfa, de Dowlais, de Gadly’s et d’Aberdare company. Je visitai d’abord celle de Cyfarthfa, la plus ancienne et l’une des plus rapprochées de la ville. L’art de fondre le fer était pratiqué depuis des siècles dans cette localité, mais les travaux n’avaient jamais pris de grands développemens jusqu’en 1775. C’est alors qu’un habile entrepreneur, M. Anthony Bacon, obtint un bail de neuf années pour exploiter un terrain riche en houille et en minerai de fer, présentant une superficie de huit milles en longueur sur quatre en largeur. Peu de temps après, il érigea lui-même à Cyfarthfa une fournaise, des ateliers et une forge pour fabriquer des barres de fer. Sur ces entrefaites, une guerre entre la Grande-Bretagne et l’Amérique éclata; ayant passé un contrat avec le gouvernement pour fournir divers arsenaux, il établit, toujours à Cyfarthfa, une fonderie et une usine pour le percement des canons. Ce fut l’origine de sa fortune comme aussi des agrandissemens de la ville. De même que tant d’autres industriels anglais ennoblis par leurs œuvres, self made, il siégea plus tard au parlement. Après lui, les ateliers de Cyfarthfa, iron-works, passèrent entre les mains de M. Richard Grawshay, dont la famille les possède encore aujourd’hui, et qui fit construire une grande roue en fonte mue par la force de l’eau, ayant coûté 4,000 liv. sterl. (100,000 fr.), laquelle devait alors donner une impulsion nouvelle aux travaux. L’exemple donné par M. Anthony Bacon avait d’ailleurs été suivi; d’autres