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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/886

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nus par l’observation, et vous entreriez en défiance contre des idées premières, immédiates, qui ont la même valeur éprouvée, qui vous rendent le même service que les déductions les plus légitimes! C’est-à-dire que vous auriez confiance dans les opérations de votre esprit et défiance des bases mêmes de votre esprit? Je ne vais pas pour cela vous proposer l’exemple de l’antique Égypte, où l’on adorait les animaux, parce qu’ils avaient, au lieu de la raison humaine, un instinct qui ne pouvait être que divin, ni l’exemple de l’Orient, où les fous sont en honneur, comme gardés et conduits par un dieu, étant incapables de se conduire eux-mêmes. Je réclame seulement une part de votre créance pour une part de vous-mêmes, telle que certaines vérités en dehors desquelles vous ne sauriez vivre, qui sont les lois de votre existence aussi bien que de votre esprit. Le monde est là tout entier vous prêchant la confiance par son exemple. Vous voyez partout des êtres doués d’instincts selon leur nature, qui croient et obéissent à ces instincts, qui s’en trouvent bien, qui pratiquent ainsi la vérité faite pour eux, qui obtiennent ainsi leur véritable destinée, et l’homme serait le seul être qui aurait à se défier de l’un de ses instincts les plus intimes, l’instinct religieux! Vous me direz que ce sentiment dépasse en hauteur tous les instincts connus : oui, sans doute, mais pas plus que l’homme ne dépasse le reste de la création.

Voulez-vous que l’observation et l’induction soient nos seuls moyens de connaître? J’y consens, mais encore faut-il les appliquer à tout et non pas uniquement à la matière. Or, en observant l’humanité dans son histoire, j’y trouve l’idée d’une autre vie. Voilà un premier fait d’expérience. Un second fait du même ordre est celui-ci : cette idée nous apparaît; elle est simple et non déduite, non construite. Nous ne la faisons pas, elle se manifeste et opère en nous comme instinct. Ce dernier mot est considérable, j’y trouve la preuve que cette idée est vraie par son analogie avec un ordre de notions et de mobiles qui ne nous trompent pas. Cette véracité des instincts est un troisième fait, expérimental comme les autres.

Or de tous ces faits je puis tirer une conclusion, toujours, comme on va voir, dans les limites de l’observation et de l’induction, car le principe que j’invoque est la stabilité des lois de la nature. Ce principe signifie que ce qui se passe dans tel cas donné se passe de même dans un autre cas de même nature, que ce qui arrive aujourd’hui sous l’empire de certaines circonstances doit arriver demain, les circonstances n’ayant pas changé. Or la véracité des instincts est une loi de la nature. Donc l’idée d’une autre vie, qui a tous les caractères de l’instinct, est une idée vraie. Autrement il faut admettre que les instincts, véridiques dans tous les cas, sont trompeurs dans