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devait pas être guidé par l’instinct, ni muni et éclairé d’une connaissance innée; mais il devait tout tirer de lui-même. » Rien ne ressemble moins que cet oracle aux faits dont nous avons le spectacle et la conscience. L’individu, l’espèce, la société, autant de choses voulues d’en haut apparemment, et qui ne relèvent pas uniquement de la raison. Tout cela subsiste par la grâce des instincts. Pourquoi n’aurions-nous pas également des instincts pour nous révéler la vérité nécessaire à la vie de l’esprit, lequel a besoin de règles, de sanction, de perspectives? C’est le service que nous rendent l’instinct moral et l’instinct religieux, où vous ne voyez pas la moindre trace d’induction ni de syllogisme, où l’homme ne fait que regarder en lui-même l’empreinte des choses, et ne tire absolument rien de son propre fonds par aucune opération de l’esprit.

Si vous croyez à ces entraînemens physiques qui conservent et reproduisent l’humanité, pourquoi seriez-vous en défiance de certaines aspirations supérieures, tout aussi primitives, tout aussi instinctives? Mais les premiers sont de beaucoup les plus impérieux! Oui sans doute, parce qu’avant tout il importe à l’homme de se conserver comme individu et comme espèce : c’est là le plus urgent. Pour revivre, ainsi que le promet l’instinct religieux, il faut commencer par vivre. Toutefois cette conviction d’une autre vie est si naturelle au genre humain, qu’elle est spontanée, universelle, immémoriale. La preuve en est que les époques, les classes, les peuplades les moins réfléchies ont eu cette lueur, ce souci, au milieu de la vie la plus dure et la plus cuisante.

Quand j’insiste sur la valeur qui appartient aux leçons de l’instinct, ce n’est pas pour nier la vérité théorique, scientifique. Il est certain que l’induction et la déduction nous sont des moyens de connaître : avec ces méthodes, on atteint la vérité, c’est-à-dire telle chose utile ou nécessaire à notre existence, à notre destinée; mais, si la vérité doit être entendue de la sorte, les instincts physiques et moraux n’excellent pas moins que les sciences à nous l’enseigner. A ce compte, nous avons d’une part certaines facultés pour nous élever laborieusement à la vérité scientifique, pour conquérir en quelque sorte le luxe de la vie matérielle, par exemple toutes les applications de la vapeur et de l’électricité; mais aussi bien nous en avons d’autres qui nous portent tout d’abord à la vérité, sans laquelle nous ne saurions vivre.

Si vous croyez aux idées induites ou déduites, pourquoi pas aux idées instinctives, quand les unes et les autres nous enseignent des vérités également utiles, également appropriées à notre nature? Comment! vous vous confiez au développement logique de certains principes, ou directement aperçus par l’esprit, ou obte-