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à colonne d’eau et le système à pompe. Qu’on imagine, pour l’intelligence du premier système, un énorme siphon renversé, jetant en l’air ses deux branches inégales. La plus longue plonge dans un château d’eau élevé à 26 mètres de hauteur. Tout à coup, au mouvement d’une machine à air comprimé qui commande le système, une soupape est soulevée; l’eau tombe, se précipite dans la grande branche, remplit la partie horizontale du siphon, et s’élève, en vertu de sa vitesse acquise, dans la petite branche. Ici la colonne d’eau donne contre la masse d’air chassée devant elle un coup de tête qu’on a comparé à celui du bélier, la comprime violemment, la réduit au sixième de son volume, et l’envoie sous cette pression dans le récipient par une soupape ménagée à l’extrémité de la petite branche. Aussitôt que la colonne d’eau a donné sa pulsation, la porte d’entrée par laquelle l’air comprimé s’est engouffré se referme vivement sous la pression de l’air déjà captif dans le récipient; la colonne bat en retraite, rappelée en arrière par une soupape de vidange pratiquée au bas de l’appareil, et dont le jeu est réglé par la même machine qui conduit la soupape d’admission, l’une s’ouvrant quand l’autre se ferme et se fermant quand l’autre s’ouvre; le siphon vidé d’eau se remplit de nouveau d’air atmosphérique, et la pulsation recommence.

Tous ces mouvemens, qui s’accomplissent en un clin d’œil, ont été si exactement calculés par l’inventeur, le jeu des soupapes d’admission et de vidange a été si bien réglé que la colonne d’eau, tombant de 26 mètres de haut avec un volume de 62 centimètres de diamètre et un poids de 15,000 kilogrammes, produit son évolution dans le tube fort tranquillement, sans causer aucun de ces dégâts qu’on pourrait craindre de la chute d’un pareil poids. L’observateur ne peut rien voir de la tourmente terrible qui parcourt le tube; il entend seulement le mouvement précipité de l’eau et le bruit de l’air aspiré et respiré violemment, puis le son métallique de la soupape de sortie de l’air comprimé, qui, semblable à un coup de cloche, annonce la fin de l’évolution de la colonne comprimante. Ce n’est pas un choc qu’il entend, mais plutôt une pulsation énergique contre un corps élastique qui résiste en cédant la place, et le coup du bélier hydraulique de Montgolfier, qu’on a pris souvent pour point de comparaison, ne donne nullement une idée exacte du régime de la colonne d’eau dans le système des trois ingénieurs sardes. Dans l’appareil du célèbre ingénieur français, elle produit un véritable choc contre un matelas d’air captif et immobile, tandis qu’ici l’air cède, se comprime graduellement, fuit devant l’eau tout en éteignant peu à peu sa vitesse acquise, sa force vive, comme disent les mécaniciens, et ne se retire dans son appartement réservé