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sang, se demandent avec impatience si le temps n’est pas venu de se ruer à leur tour dans la mêlée. L’attention publique est donc forcément dirigée de nouveau vers ces régions lointaines. Il nous sera facile de montrer que depuis la chute de Rosas, à la faveur d’un intervalle de paix relative, de très grands progrès se sont accomplis, et que les républiques de la Plata n’ont cessé de marcher rapidement vers un brillant avenir de puissance et de civilisation. Les diverses guerres qui ont longtemps ensanglanté le sol de ces contrées étaient fomentées par bien des passions mauvaises, bien des ambitions personnelles ; mais il ne faut pas s’imaginer que sous toutes ces rivalités de généraux et de colonels il ne se cachait point une lutte pour les idées. Nombre de combattans prenaient presque au hasard les noms de fédéraux et d’unitaires, de colorados et de blancos, mais en dépit de leur ignorance les questions posées n’en ont pas moins fini par être en grande partie résolues. De même la guerre qui vient d’éclater entre le Brésil et deux des républiques limitrophes ne doit point être considérée comme un accident ou comme le résultat d’une simple lutte de partis : c’est au contraire le choc inévitable de deux principes servant de base à deux sociétés distinctes. Quels que soient les divers intérêts en jeu dans ce conflit, c’est entre l’oligarchie esclavagiste et la démocratie républicaine qu’a lieu la véritable guerre.

Cinq états, on le sait, se partagent les contrées dont les eaux descendent vers le large estuaire de la Plata. Ce sont : la république argentine, la Bolivie, le Paraguay, le Brésil et l’Uruguay ou Bande-Orientale. Toutefois les planteurs portugais de l’empire brésilien ne possèdent qu’un angle du bassin fluvial, et encore l’ont-ils en grande partie obtenu par la violence, tandis que les populations des républiques espagnoles occupent presque en entier l’immense région platéenne. Ainsi le territoire de ces républiques, remarquable au plus haut degré par son caractère d’unité géographique, ne l’est pas moins par l’origine et les destinées communes de ses habitans. En l’étudiant d’une manière générale, il est donc inutile de tenir compte des limites arbitraires tracées entre les états limitrophes. Pour le géographe et l’historien, le Paraguay, la république argentine et la Bande-Orientale sont un même pays, et tôt ou tard, en dépit des rivalités et des guerres, ils deviendront le domaine commun d’une même nation. C’est à ce point de vue que nous allons nous placer en donnant à grands traits la description de ce magnifique territoire. Notre tâche sera d’ailleurs facilitée par diverses publications récentes, notamment par le livre si complet de M. Martin de Moussy, véritable monument élevé en l’honneur de la Confédération Argentine. Cet ouvrage, fruit d’un travail de vingt