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gouvernement brésilien lui-même en l’entraînant de gré ou de force dans la querelle. Le planteur Netto, qui est également général, parla, dit-on, en termes menaçans ; il évoqua les souvenirs de la république de Piratinim, et déclara que, si l’empire ne voulait pas le soutenir dans cette lutte, il saurait bien faire la guerre à lui tout seul en lançant un appel direct aux populations et en proclamant l’autonomie du Rio-Grande. D’ailleurs ce langage n’avait probablement d’autre but que d’emporter de force l’assentiment du trop scrupuleux empereur dom Pedro, car le général Netto et ses partisans pouvaient compter d’avance sur la complicité de la puissante aristocratie qui tient dans ses mains les destinées du pays. En effet, loin de blâmer les sujets brésiliens qui, au mépris de la neutralité, avaient envahi la Bande-Orientale, on leur donna raison sur tous les points, et tandis qu’on laissait se commettre cette agression inique, le conseiller d’état Saraiva se rendait à Montevideo sur un navire de guerre pour demander réparation d’une longue série de crimes commis par des Orientaux et restés impunis. Six jours seulement étaient accordés au gouvernement de l’Uruguay pour qu’il répondît à l’ultimatum du Brésil.

Ces divers griefs, dont plusieurs remontaient à douze années, reposaient sans doute en grande partie sur des faits authentiques, car malheureusement bien des meurtres, bien des attentats de toute nature sont commis chaque année sur la frontière indécise de l’Uruguay, que se disputent les propriétaires d’esclaves et les cultivateurs libres, et que traversent incessamment des contrebandiers, attirés au Brésil par l’énormité des droits d’entrée[1]. Toutefois le gouvernement de la Bande-Orientale répondit au conseiller Saraiva en lui présentant à son tour une interminable liste de griefs contre l’empire. Il releva surtout le crime de violation de territoire dont se rendaient coupables le général Netto et ses bandes, composées pour la plupart de gens qui avaient reçu en qualité de colons l’hospitalité de la république, et qui en avaient profité pour y rétablir l’esclavage et pour fonder un état dans l’état.

L’envoyé brésilien ne chercha point à nier le fait imputé à ses compatriotes ; mais il n’en demanda pas moins de fortes indemnités, ainsi que la destitution immédiate de plusieurs personnages considérables, et se retira en déclarant que, si satisfaction n’était point

  1. Dans la Bande-Orientale, les droits de douane ne dépassent pas de 12 à 15 pour 100 sur les divers articles d’importation, tandis que dans l’empire voisin ils sont en moyenne au moins trois fois plus considérables. Aussi le commerce extérieur de l’Uruguay atteignait-il avant la guerre la somme relativement énorme de 180 millions de francs. Toute proportion gardée, c’est un mouvement d’échanges quatre fois supérieur à celui de la France.