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donnée à ses demandes, le Brésil userait de représailles. Certes c’était choisir un singulier moment pour réclamer de l’argent et des destitutions en masse que de se présenter justement à l’époque où la république était dépourvue de toutes ressources financières, et manquait d’officiers pour se défendre contre les rebelles et contre les Brésiliens eux-mêmes. Il est difficile de voir dans cette conduite autre chose qu’un abus prémédité du droit de la force, abus d’autant plus répréhensible que tout récemment encore le Brésil avait eu, dans ses relations diplomatiques avec l’Angleterre, le triste rôle du faible et de l’outragé. L’empire sud américain se plaint des procédés de la Grande-Bretagne à son égard, mais il agit avec bien plus de violence encore contre l’Uruguay ; il envoie un député au congrès colombien du Pérou, afin d’empêcher désormais toute intervention de l’Europe dans ses propres affaires, mais il intervient lui-même injustement dans celles d’un pays voisin ; il se plaint au monde entier qu’un navire des États-Unis ait capturé nuitamment un corsaire confédéré dans le port de Bahia, et il ne craint pas, en temps de paix, de faire canonner une flottille et réduire des villages en cendres ; faible, il se révolte contre la loi du plus fort, mais afin de l’appliquer à de plus faibles que lui. C’est là une attitude peu honorable, et qui ne sera point oubliée par les ennemis de l’empire.

Ainsi que l’avait annoncé M. Saraiva, des forces brésiliennes sont entrées dans les eaux de la Plata et du fleuve Uruguay pour exercer officiellement leur mission de représailles. Au mois d’octobre 186/i, le baron de Tamandaré, commandant en chef de l’escadre impériale, se présenta devant Montevideo en proclamant qu’il avait reçu l’ordre de conquérir, avec l’aide des troupes de terre, tout le territoire de l’Uruguay situé au nord du Rio-Negro, c’est-à-dire environ la moitié du sol de la république. En même temps il annonçait aux ministres étrangers qu’il exercerait le droit de visite sur tous les navires de commerce voguant dans l’estuaire de la Plata ; mais cette prétention fut accueillie comme elle devait l’être. Les ministres européens, qui représentent dans l’Uruguay près de 100,000 étrangers possédant à eux seuls les neuf dixièmes de la fortune du pays, ne pouvaient permettre que les intérêts d’une population si nombreuse fussent compromis par de véritables mesures de guerre déguisées sous le nom de représailles. En termes concertés d’avance et presque identiques, ils se refusèrent énergiquement à reconnaître le droit de visite que s’arrogeait le baron de Tamandaré, et déclarèrent que leurs gouvernemens respectifs « sauraient apprécier jusqu’à quel point la responsabilité des préjudices occasionnés devrait retomber sur le Brésil. » Battu sur le terrain diplomatique,