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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/109

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même, des avantages très réels. Ils y restèrent donc. Peu à peu les marchands indigènes vinrent à leur tour, la douane japonaise s’y installa, si bien qu’au bout d’un certain temps Yokohama renfermait toute une colonie d’étrangers que les Japonais accueillirent avec une apparente urbanité.

Aujourd’hui Yokohama se compose de deux quartiers d’une physionomie très distincte : au nord, c’est la ville indigène aux rues populeuses, bordées de ces légères constructions en bois que les Japonais élèvent en quelques jours ; — au sud, la ville européenne avec ses spacieuses habitations entourées de jardins, où l’architecture occidentale se marie au style pittoresque des demeures du pays : un soubassement en pierres de taille, une verandah en bois sculpté faisant le tour de l’édifice, et de grands toits en briques noires entremêlées de chaux. Un large quai s’étend le long de la mer. De distance en distance se dressent des mâts de pavillon où les consuls arborent les couleurs nationales. Autour de nombreux magasins construits en pierre de taille et à l’épreuve du feu circulent les coulies traînant des charrettes à bras, ou portant des ballots sur leurs épaules. Les rues sont étroites et peu régulières, les passans y sont rares ; mais cette population restreinte se compose de gens venus de tous les coins du monde. À la limite des deux quartiers, près de la mer, sont les bâtimens de la douane indigène. C’est là que les marchandises arrivent, débarquées des jonques qui les apportent des provinces voisines, et qu’on les recharge sur les chalands qui vont les transborder sur des navires de commerce. La ville, entourée de canaux et de marais, communique avec le pied des coteaux, où sont les faubourgs, au moyen de ponts défendus par des palissades en bois et par des postes bien armés. Les environs de Yokahama présentent, comme tout le sud du Japon, le plus riant aspect. Qu’on se figure une suite de collines boisées, séparées par des vallons couverts de cultures. De vertes rizières en occupent le fond, tandis que les champs de blé s’étagent sur les pentes. L’arbre dominant est une espèce de pin analogue à notre pin maritime ; il couronne les hauteurs, et autour de lui croissent les arbres verts, les lauriers, les chênes et d’autres essences au feuillage varié. De coquettes habitations de paysans s’y rencontrent à chaque pas, cachées à demi sous la verdure, parmi les haies vives de camélias et les bouquets de bambous et de palmiers. Si, gravissant les marches de quelqu’une de ces pagodes en bois, ornées de capricieuses sculptures, et où la statue dorée de la divinité sommeille dans un demi-jour mystérieux, on vient s’asseoir sur la verandah du temple, on jouit du spectacle le plus admirable. Par-delà les bois et les collines, on aperçoit d’un côté les eaux bleues de la baie de Yédo couvertes de centaines de barques pêchant sous voiles, de l’autre