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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/128

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ce dernier avait faite, quelques jours auparavant, au pavillon de son pays.

Le 20 au matin, par un très beau temps, on appareillait avant six heures. Le Tancrède nous suivait. L’amiral, sur les rapports du Kienchan et de la Méduse, avait renoncé à faire éclairer la route par le Tancrède ; ce petit navire, faible de coque et ayant une machine très vulnérable, eût été trop exposé, si un feu inopiné l’avait surpris. À mesure que nous avancions vers le centre de l’entonnoir formé par les terres, les détails de la côte apparaissaient peu à peu. Le branle-bas est sonné enfin ; chacun est à son poste, et le plus grand silence règne à bord. Un paysage splendide se déploie devant nous : sur les deux rives, des collines couvertes de bois, des ravins verdoyans descendent jusqu’à la mer. Quelques jonques à la voile s’engagent dans le détroit, et disparaissent successivement derrière la pointe de Kiousiou. C’est un peu plus loin, cachée par cette pointe, que se trouve, à 6 kilomètres environ, la ville de Simonoseki.

Deux coups de canon, tirés au nord dans les montagnes, et que nous avions faiblement entendus, venaient, suivant l’usage des défenseurs du détroit, de signaler notre approche. De ce côté, nous apercevons un château au milieu des bois ; c’est la résidence de Chofoo, l’un des princes de la famille de Nagato ; toutefois ce château, par sa position, ne commande pas l’approche du détroit, et l’amiral, le laissant à droite, donne l’ordre de s’engager lentement dans la passe, en rangeant d’aussi près que possible la côte opposée. Vers six heures et demie, une batterie se démasque tout à coup sur la rive nord ; il est facile de compter cinq pièces, qui se présentent sous un angle de 45 degrés, à six ou sept encablures de distance. À ce moment, la frégate, que la rapidité du courant nous empêche de maîtriser, s’échoue légèrement ; elle ne reprend sa marche qu’au bout de vingt minutes, et nous mouillons un peu plus en avant.

La côte ennemie reste silencieuse, mais un grand mouvement s’opère dans la batterie japonaise. Une rizière s’étend à gauche et la sépare des collines plus éloignées ; au pied de ces collines s’élèvent deux petits villages, et un peu plus haut un grand édifice construit sur terrasse en maçonnerie. Les pilotes du pays qui sont à bord nous le désignent comme une habitation seigneuriale ; l’on aperçoit des soldats japonais qui courent entre l’un des villages et la batterie et garnissent en grand nombre les parapets. Des cavaliers partent au galop dans la direction de Simonoseki. De ce côté, une route qui mène à la ville suit les sinuosités de la côte ; on croit y distinguer de nouveaux ouvrages ; à une assez grande distance, près de la pointe de Kiousiou, qui nous cache les premières maisons de Simonoseki,