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dans ces premiers pourparlers, espéraient obtenir la paix au moyen d’une transaction qui eût ménagé leur amour-propre. Les hommes du sud ne voulaient point rentrer dans l’Union comme des vaincus. On aurait donc cessé la guerre comme s’il n’y eût eu ni vainqueurs ni vaincus. On aurait immédiatement conclu une alliance militaire, et cette alliance, on l’eût occupée activement tout de suite contre le Mexique ou le Canada, ou même contre les deux. Après quelques mois de campagne contre l’étranger, réunis par des intérêts communs, retrempés par une vaillante fraternité d’armes, le nord et le sud auraient refait spontanément l’Union sans que l’amour-propre de personne eût rien à souffrir. Il ne faut pas une grande sagacité pour démêler dans la dépêche de M. Seward à M. Adams, où la négociation est racontée à demi-mots, le caractère et le sens des insinuations sudistes. On reconnaît bien là l’esprit emporté et romanesque des hommes du sud, ce défaut de sens politique et de sang-froid qui a rendu inutiles tant de qualités chevaleresques et charmantes. Qu’on le remarque, depuis la séparation, les hommes du sud n’ont cessé de commettre des fautes politiques. La séparation, dans leur pensée primitive, n’était qu’une feinte qui devait dissoudre les groupes des états du nord et de l’ouest, et par ce résultat leur fournir l’occasion de reconstruire l’Union au profit de leurs intérêts et sous leur suprématie. Trompés par leur fausse manœuvre, s’étant exclus de l’Union, ils ont espéré maintenir leur séparation au moyen de la reconnaissance et du secours de l’étranger. Le coton leur semblait être un moyen d’ascendant irrésistible sur l’Europe. Ils s’imaginaient que les nations industrielles de l’Europe, contraintes par la famine du coton, viendraient leur donner l’indépendance. Leur erreur a été profonde. Ils ont été soutenus ensuite par une autre illusion. Tout dépendrait de l’élection présidentielle ; avec le succès d’un candidat démocrate, ils pourraient ou obtenir l’indépendance ou rentrer de plain-pied dans l’Union en conservant l’esclavage. L’issue de l’élection présidentielle a été une nouvelle déception. Ils n’ont point cédé non plus alors à l’heureuse inspiration de prendre eux-mêmes l’initiative de l’émancipation des noirs et de raviver par là les sympathies morales qu’ils possédaient encore en Europe. Leur sénat repoussait le projet de l’enrôlement des noirs au moment même où le congrès américain effaçait à jamais l’esclavage de la constitution des États-Unis. Toujours attardés et repoussés d’une faute politique à l’autre, ils viennent proposer au gouvernement qu’ils ont voulu détruire une guerre contre l’Angleterre ou la France. Une telle conclusion est la digne fin d’une cause si mal engagée. Du côté de M. Lincoln au contraire, on a vu cette rectitude appuyée sur la légalité et la loi qui préserve des fautes et des excentricités. M. Seward et M. Lincoln n’ont point eu à discuter le roman qu’on venait faire briller à leurs yeux ; M. Seward a écarté en passant l’idée d’une guerre extérieure au sud, c’est-à-dire au Mexique. Le président et son ministre s’étaient prescrit de ne faire la paix que sur les bases légales. La