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des caractères orgueilleux et tout d’une pièce, il a pour ainsi dire comprimé son drame : il en a forcé les ressorts et entravé le développement. Un peu moins de force, deux ou trois orgueilleux de moins, quelques faibles et quelques humbles de plus, et la pièce était sûre du triomphe. Tel qu’il est, le nouveau drame de M. Feuillet est encore plein, de beaux détails et d’ingénieux épisodes ; mais l’action marche par saccades, avec une violence intermittente qui finit par lasser, et aucune des scènes capitales ne produit l’effet qu’elle devrait produire. L’émotion est à chaque fois refoulée pour ainsi dire dans le cœur des spectateurs, et les larmes prêtes à couler ne viennent jamais qu’à moitié chemin des yeux. C’est que les caractères choisis par M. Feuillet se sont imposés tyranniquement à son imagination, et que pour les peindre il a ressenti quelque chose de cette même contrainte qu’ils imposent dans la vie à leurs sentimens les plus doux et les meilleurs. C’est dans le mauvais choix de ses caractères et non dans une autre cause que M. Feuillet trouvera la raison de la tiédeur du public et de la sévérité de la critique en face de sa nouvelle œuvre.


EMILE MONTEGUT.



Il y a deux ans, M. Ch. Texier lisait en séance publique de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres un mémoire sur les monumens primitifs du christianisme en Orient. Quelques notions de ce travail, parvenues à Londres par les échos de la presse périodique, y éveillèrent l’attention des personnes vouées à l’étude de l’histoire des beaux-arts. Peu de temps après, M. Popplewell Pullan, architecte et antiquaire anglais, arrivait à Paris, avec les matériaux qu’il avait recueillis pendant son séjour en Asie-Mineure, pour proposer à M. Ch. Texier de les publier en commun. De cette collaboration et du concours prêté par MM. Day, éditeurs de la reine Victoria, est né un curieux et important ouvrage, qui a paru tout récemment, exécuté avec le plus grand soin et un luxe inusité[1]. La plupart des souverains l’ont accueilli par des encouragemens flatteurs et par des souscriptions pour leurs bibliothèques particulières ou publiques, et maintenant l’Architecture byzantine a pris place dans les principaux établissemens littéraires de l’Europe. La nouveauté du sujet, l’intérêt qu’il présente par lui-même et qu’il a pris sous la plume ou le crayon habile des auteurs, justifient cet empressement.

Dans l’introduction consacrée à l’histoire et à l’appréciation de l’architecture byzantine, M. Ch. Texier nous montre les révolutions successives

  1. L’Architecture byzantine, ou Recueil de Monumens des premiers temps du christianisme en Orient, précédé de recherches historiques et archéologiques, par M. Ch. Texier, membre de l’Institut, et R. Popplewell Pullan, architecte de l’expédition d’Halicarnasse, 1 vol. in-folio.